Un lancement au carrefour de la santé publique et de la souveraineté statistique
Dans l’amphithéâtre du ministère de l’Économie, entre drapeaux tricolores et écrans de visualisation, le gouvernement a dévoilé la Troisième Enquête Démographie et Santé du Congo (EDSC-III). L’événement, présidé par le Premier ministre, a réuni décideurs, partenaires techniques et diplomates accrédités. Cette opération statistique, la première depuis 2011, répond à une exigence de relecture des dynamiques de natalité, de mortalité et de prévalence des pathologies prioritaires. « Nous voulons disposer d’un miroir fidèle de notre société pour ajuster nos politiques et anticiper les mutations », a déclaré le ministre du Plan, soulignant l’adhésion personnelle du président Denis Sassou Nguesso à cette démarche fondatrice de la planification.
Des partenariats calibrés pour sécuriser la chaîne de valeur informationnelle
Le budget global, estimé à 12 milliards de francs CFA, sera couvert à hauteur de 60 % par le Trésor public, le reliquat étant mobilisé auprès de la Banque mondiale, du Fonds des Nations unies pour la population et du Centre africain de contrôle et de prévention des maladies. Ce choix d’un financement conjoint a été qualifié de « coopération pragmatique » par la représentante résidente de l’UNFPA, qui y voit une garantie de durabilité. Les procédures ont été allégées : achat groupé de tablettes, sélection transparente des agents enquêteurs et accompagnement d’experts régionaux, afin d’assurer que chaque franc investi se traduise par une donnée exploitable.
Mesurer les progrès vers l’Agenda 2063 et les Objectifs de développement durable
La feuille de route gouvernementale reconnaît la statistique comme pilier de la diplomatie économique et sociale. L’EDSC-III évaluera la couverture vaccinale, la mortalité maternelle, la planification familiale, l’accès à l’eau potable et la malnutrition. Ces indicateurs alimenteront le rapport national sur les ODD 2025 et conforteront la crédibilité du Congo au sein du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs. « Des chiffres éprouvés renforcent notre voix dans les négociations multilatérales », rappelle le directeur général de l’Institut national de la statistique, évoquant l’intérêt croissant des investisseurs pour les pays dotés de systèmes d’information robustes.
Une méthodologie de terrain revisitée par la technologie numérique
Près de 580 agents recenseront 17 000 ménages sur l’ensemble des douze départements. Les questionnaires, hébergés sur une plateforme sécurisée, seront synchronisés en temps réel pour limiter les doubles saisies et fiabiliser la géolocalisation. L’usage de la cartographie satellitaire pour ajuster l’échantillonnage répond à la nécessité de couvrir les zones forestières peu densément peuplées. Le responsable du volet TIC précise que le chiffrement bout-en-bout « protège la confidentialité des ménages tout en raccourcissant de moitié le délai de diffusion des résultats ».
Des retombées attendues pour la diplomatie sanitaire et la cohésion nationale
Au-delà de la photographie démographique, l’enquête fournira une base factuelle pour la révision du Plan national de développement 2022-2026. Les données sur la fertilité permettront de calibrer la prochaine phase du programme gratuit de césarienne, tandis que la cartographie de la couverture réseau aiguillera les investissements dans la télémédecine. Les partenaires bilatéraux, à l’instar de la coopération française, saluent un « signal sérieux » envoyé aux marchés de la santé préventive. Sur le plan intérieur, la diffusion grand public des principaux indicateurs est perçue comme un outil d’apaisement : chaque département pourra suivre ses progrès et revendiquer, chiffres à l’appui, les crédits nécessaires.
Vers une culture nationale de la donnée comme levier de gouvernance
En inscrivant l’EDSC-III dans un calendrier pluriannuel, Brazzaville entérine la donnée non plus comme exercice ponctuel, mais comme langage quotidien de l’action publique. Le ministre de la Santé voit dans cette mutation culturelle « un prérequis pour optimiser les financements innovants, de l’assurance santé universelle à la dette verte ». L’opération devrait s’achever par la publication d’un atlas interactif et par une session de restitution ouverte à la société civile, confirmant l’engagement gouvernemental envers la transparence et l’évaluation indépendante.
Un calendrier ambitieux mais maîtrisé pour livrer les résultats
Le travail de terrain s’étalera de mai à août 2024, avant une phase d’exploitation des bases de données jusqu’à décembre. Un rapport préliminaire, attendu pour la rentrée diplomatique de janvier 2025, alimentera les revues de portefeuille avec les bailleurs. Selon le coordinateur national, les laboratoires régionaux sont déjà mobilisés pour valider les biomarqueurs collectés au fil des entretiens. La fenêtre temporelle choisie évite la grande saison des pluies, limitant ainsi les aléas logistiques. Les observateurs s’accordent à dire que, si le calendrier est exigeant, il demeure réaliste à la lumière des acquis des enquêtes précédentes.
Une enquête qui s’inscrit dans la continuité des réformes macroéconomiques
La troisième enquête démographique intervient dans un contexte de stabilisation budgétaire, alors que le Congo vient de clore positivement la quatrième revue de son programme avec le FMI. Les indicateurs qui seront collectés serviront d’argumentaire pour les allègements de dette liés à l’investissement social. Pour les diplomates présents lors du lancement, l’exercice traduit un alignement cohérent entre réforme structurelle et capital humain, point régulièrement salué par les institutions régionales. À terme, la maîtrise de la transition démographique pourrait constituer un amortisseur face aux fluctuations du marché pétrolier.
Conclusion prospective sur la gouvernance fondée sur la preuve
En adoptant une approche méthodique et partenariale, le Congo-Brazzaville démontre que la gouvernance contemporaine s’alimente d’évidences chiffrées. L’EDSC-III actualisera la boussole sanitaire et démographique nationale, renforcera le dialogue avec les partenaires internationaux et confortera la légitimité des politiques publiques. Si les défis logistiques ne manquent pas, l’architecture institutionnelle mise en place et l’engagement financier national sont des signaux de sérieux. Dans une région en quête de données fiables, cette initiative positionne Brazzaville comme acteur proactif de la diplomatie de la donnée, déterminé à conjuguer souveraineté statistique et coopération multilatérale.