Le cap symbolique du milliard de livres égyptiennes
Au cœur d’un marché boursier égyptien en quête de capitaux frais, la Banque du Caire vient d’annoncer que son premier fonds d’actions cumulées a dépassé la barre du milliard de livres égyptiennes, soit un peu plus de 20 millions de dollars selon le taux de change en vigueur. Au-delà de la satisfaction comptable, ce seuil revêt une forte portée symbolique : seuls une poignée de produits de placement locaux peuvent désormais se prévaloir d’un tel encours.
« Cette étape est un jalon dans notre trajectoire, elle confirme la pertinence de nos offres pour une clientèle de plus en plus sophistiquée », souligne Bahaa El Shafei, directeur général adjoint de l’établissement. Dans un environnement marqué par la recherche de stabilité monétaire et la volonté d’élargir la base d’investisseurs domestiques, la performance du fonds traduit l’appétit croissant pour les titres cotés et pour une gestion active capable d’amortir les soubresauts conjoncturels.
Une gestion déléguée à un acteur régional de premier plan
Le mandat de gestion a été confié dès l’origine à Hermes Fund Management, maison emblématique de l’asset management au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. La collaboration entre la banque publique et ce gestionnaire indépendant met en lumière une gouvernance hybride, selon laquelle la puissance de collecte d’un réseau bancaire se conjugue à l’expertise d’une équipe d’analystes sectoriels rompus aux marchés frontières.
Pour Abdel Hamid Mortagy, responsable des investissements et des fiduciaires d’investissement, « la longévité du partenariat, amorcé dès 1995, démontre qu’un alignement durable d’intérêts est possible entre acteurs nationaux et opérateurs privés, dès lors que la transparence des process est respectée ». Les décisions d’allocation reposent sur un modèle maison, articulant sélection bottom-up et arbitrages tactiques inspirés de la diversité géographique des indices régionaux.
Des rendements qui confortent la confiance des investisseurs
Depuis son lancement, le fonds affiche un rendement cumulé de 3 555 %, soit une création de valeur exceptionnelle sur près de trois décennies. Rien qu’en 2024, la performance s’établit à 32,9 %, portée par la reprise de valeurs bancaires, le rebond d’entreprises exportatrices profitant de la dépréciation de la livre et l’engouement pour les télécommunications.
À l’échelle régionale, ces chiffres replacent l’Égypte dans le peloton de tête des places africaines capables de combiner profondeur de marché et liquidité suffisante pour attirer les gérants globaux. La publication régulière d’indicateurs de risk management, assortie d’une communication trimestrielle exhaustive, a renforcé la crédibilité du véhicule auprès des family offices du Golfe et des investisseurs institutionnels locaux.
Vers une démocratisation de l’épargne en actions en Égypte
Le succès du fonds s’inscrit dans la stratégie nationale d’inclusion financière, pilotée par la Banque centrale et soutenue par les grands réseaux publics. La Banque du Caire utilise ses 240 agences pour distribuer le produit auprès de ménages traditionnellement orientés vers l’or ou l’immobilier. Les souscriptions, accessibles à partir de montants modestes, participent à la diffusion d’une culture boursière encore naissante.
Le groupe complète son offre par le Fonds de Liquidité Second Jour, par le fonds islamique Al-Wefaq et par un fonds obligataire dédié aux investisseurs à profil prudent. Cette architecture à compartiments multiples permet de canaliser l’épargne domestique vers des instruments variés et d’amorcer un cercle vertueux, dans lequel la réussite d’un compartiment actions soutient la légitimité des autres lignes de produits.
Perspectives régionales et implications géopolitiques
Au-delà des chiffres, la montée en puissance de la Banque du Caire intervient dans un contexte de repositionnement géo-économique de l’Égypte, désireuse de renforcer son statut de hub financier entre Mashreq, Afrique subsaharienne et Méditerranée. Le dialogue entamé avec des contreparties kényanes et nigérianes autour de possibles co-listings d’entreprises illustre une diplomatie économique proactive, orientée vers la création de corridors de capitaux Sud-Sud.
Les analystes soulignent par ailleurs que la solidité d’un écosystème domestique de gestion d’actifs constitue un gage de résilience pour un pays souvent soumis aux aléas des marchés de matières premières et aux tensions géopolitiques régionales. Alors que la communauté internationale observe avec attention la trajectoire des réformes macroéconomiques cairotes, la performance durable de ce fonds d’actions conforte l’idée qu’une partie de la solution réside dans la mobilisation de l’épargne intérieure plutôt que dans un endettement externe excessif.
Cap sur une nouvelle phase de consolidation
En franchissant le cap du milliard de livres, le fonds d’actions vedette de la Banque du Caire ouvre la voie à un nouveau cycle de consolidation pour la gestion d’actifs égyptienne. Les discussions portant sur l’élargissement du quota autorisé dans les portefeuilles des caisses de retraite publiques devraient, selon plusieurs sources proches du dossier, stimuler encore la collecte si elles aboutissent au Parlement.
Dans un monde financier où la taille constitue un avantage comparatif, la Banque du Caire découvre un effet d’échelle qui pourrait, à terme, améliorer davantage son ratio coût-performance. Pour l’heure, l’institution savoure un succès incontestable qui reflète la synergie possible entre ambition commerciale, discipline de gestion et stratégie publique d’inclusion financière.