Un rendez-vous déterminant pour l’ITIE 2024
Au fil d’une réunion tenue à huis clos le 24 juillet dans les locaux feutrés du ministère des Finances, les autorités congolaises ont arrêté la méthodologie de leur prochain rapport ITIE, document stratégique qui devra être remis avant la fin de 2025. Cette échéance, qualifiée de « cap décisif » par le ministre Christian Yoka, engage l’ensemble de l’architecture gouvernementale tant elle conditionne le rang que le Congo-Brazzaville souhaite occuper dans le concert des États producteurs d’hydrocarbures et de minerais.
Depuis son adhésion à l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives, Brazzaville a sensibilisé les administrations, les opérateurs privés et la société civile à une culture du reporting financier qui, jadis, relevait de la seule discrétion ministérielle. Les avancées sont tangibles : digitalisation partielle des paiements de redevances, publication trimestrielle des transferts au Trésor, contrôle croisé des données par l’Inspection générale des finances. Toutefois, la validation externe de 2025 exigera un pas supplémentaire, celui d’une consolidation exhaustive des flux pour l’exercice 2024.
Traçabilité budgétaire et impératif climatique
Le Congo entend articuler transparence et transition environnementale, thème majeur introduit par les ministres Arlette Soudan-Nonault et Rosalie Matondo. La convergence entre reporting extractif et comptabilité carbone s’inscrit dans la feuille de route présidentielle qui fait de la diplomatie climatique un levier d’influence dans le Bassin du Congo, deuxième poumon vert de la planète. En rendant publics les revenus et les dépenses issus du secteur, Brazzaville souhaite démontrer que la manne pétrolière peut financer la stratégie nationale de redéploiement forestier et la diversification économique.
Cette articulation passera notamment par la mise en service, dès janvier 2025, d’un registre électronique unique associant numéro de permis, volumes extraits, paiements déclarés et quotas de compensation carbone. Le ministère des Finances table sur une interconnexion avec le Système intégré de gestion des opérations budgétaires afin que chaque franc CFA généré par le pétrole, le gaz ou le minerai soit adossé à une ligne budgétaire précise.
La diplomatie énergétique congolaise à l’épreuve des partenaires
Sur la scène internationale, Brazzaville sait que la crédibilité économique se mesure à la robustesse de ses données. Les bailleurs multilatéraux, au premier rang desquels la Banque mondiale et le FMI, ont déjà salué les progrès réalisés lors de la révision du programme triennal conclu en 2022. Pour conforter cette confiance, les autorités multiplient les canaux d’échange avec les compagnies majors et les services diplomatiques en poste dans la capitale. « L’accès à l’information réduit le coût du risque et encourage l’investissement », faisait valoir récemment un haut responsable du Trésor, soulignant qu’une notation souveraine favorable reste indissociable d’un reporting extractif fiable.
Dans les couloirs des ambassades, le mot d’ordre est donc suivi de près : que les nouvelles règles de divulgation ne pèsent ni sur la compétitivité des opérateurs ni sur la fluidité des contrats de partage de production. Le défi consiste à maintenir un équilibre subtil entre exigences de compliance et attractivité du code minier.
Feuille de route des douze prochains mois
Le secrétariat permanent de l’ITIE a identifié trois chantiers prioritaires : l’achèvement du rapport de cadrage, la consolidation des bases de données fiscales et la création de commissions thématiques chargées de l’audit participatif. Selon Florent Michel Mokoko, directeur exécutif du processus, il reste « douze mois pour solder les mesures correctives, moderniser la chaîne de valeur et élever le degré de redevabilité publique ». Un calendrier resserré, mais jugé réaliste grâce au soutien technique du Programme des Nations unies pour le développement.
Au plan opérationnel, les ministères sectoriels s’engagent à transmettre leurs informations au format électronique avant la fin du trimestre. Le Comité national ITIE, pour sa part, prépare une campagne de sensibilisation qui s’adressera autant aux élus locaux qu’aux communautés riveraines des sites d’exploitation, afin de prévenir toute défiance sociale.
Gouvernance inclusive et perspective de croissance
L’amélioration de la transparence ne saurait se limiter à un exercice technique. Elle constitue un pivot de la stratégie de développement visant à amplifier l’impact de l’exploitation des ressources sur l’économie réelle. Les autorités souhaitent canaliser une part accrue des revenus extractifs vers les secteurs structurants, tels que l’agro-industrie et les infrastructures de connexion régionale. Cette orientation répond à la vision du président Denis Sassou Nguesso, pour qui la souveraineté économique passe par une gouvernance exemplaire.
À moyen terme, l’enjeu est de conforter la stabilité macro-économique tout en élargissant la base fiscale non pétrolière. Selon les estimations du ministère du Budget, une réduction de 15 % des écarts statistiques entre déclarations des opérateurs et encaissements effectifs pourrait dégager des marges budgétaires équivalentes au double du budget annuel de la santé publique. S’il relève encore d’une projection, ce chiffre illustre la capacité qu’a le Congo de transformer ses réformes de transparence en gains tangibles pour la population.
Cap sur la validation internationale
En engageant simultanément des réformes réglementaires, technologiques et diplomatiques, Brazzaville se prépare à franchir une nouvelle étape de son parcours au sein de l’ITIE. La validation prévue en 2025 constituera un révélateur des progrès accomplis tout autant qu’un aiguillon pour les initiatives futures. Conscientes de l’attention portée par les partenaires étrangers, les autorités congolaises affichent la volonté de faire de cette échéance un levier de modernisation institutionnelle.
La transparence, en somme, se veut un trait d’union entre confiance internationale et prospérité nationale. C’est à ce prix que le Congo-Brazzaville pourra non seulement consolider sa réputation sur la carte énergétique mondiale, mais également répondre aux aspirations de développement inclusif formulées par sa population.