La régulation franchit un seuil décisif
Dans l’enceinte solennelle de la mairie de Moungali, à Brazzaville, le 24 juillet 2025, Basile Jean Claude Bazebi a annoncé la fin de la période de grâce pour les opérateurs clandestins des transferts d’argent. Le directeur général de l’Agence de régulation des transferts de fonds a jugé le moment venu d’« aligner paroles et actes » après deux années de sensibilisation menée dans tout le pays. Saluant la présence des autorités municipales et religieuses, il a martelé que la régulation n’est plus une faculté mais une obligation, à l’heure où l’économie numérique du Congo connaît une expansion sans précédent.
Un arsenal juridique tourné vers la conformité
Créée par la loi du 4 avril 2012, l’ARTF dispose désormais d’outils coercitifs renforcés par la loi de finances 2025. L’échelle de sanctions, qui culmine à cinquante millions de francs CFA pour les récidivistes, s’inscrit dans la volonté gouvernementale de sécuriser les circuits financiers et de protéger les usagers. « Notre objectif n’est pas de punir pour punir, mais de consolider la confiance et la traçabilité », a souligné M. Bazebi, rappelant qu’un dirigeant pris en flagrant délit d’activité illégale perdra définitivement le droit d’exercer. À cette grille d’amendes s’ajoute la possibilité de poursuites pénales et de saisie immédiate des fonds litigieux, signe que l’État entend donner une portée exemplaire aux premières décisions.
Optimiser la collecte fiscale sans étouffer l’innovation
À Brazzaville comme à Pointe-Noire, l’essor des plateformes mobiles a modifié la cartographie des flux financiers, drainant chaque mois des milliards de francs CFA. Pourtant, des chiffres internes indiquent qu’une part substantielle de ces transactions échappe à l’impôt. Le ministère des Finances voit dans la mise au pas des opérateurs un levier majeur pour élargir l’assiette fiscale et financer les chantiers prioritaires du Plan national de développement 2022-2026. Les experts notent que la démarche reste conciliable avec l’innovation : la licence d’opérateur, plus simple et moins coûteuse qu’auparavant, a vocation à stimuler l’émergence de start-ups locales, tout en évitant la concurrence déloyale de structures informelles.
Dialogue avec la diaspora et finance islamique
La présence du président du Conseil supérieur islamique du Congo, Youssouf Ngolo, illustre la dimension sociétale de la nouvelle étape. Les transferts de la diaspora, évalués à plus de 300 millions de dollars annuels, convergent souvent vers des réseaux communautaires. Pour rassurer ces relais indispensables, l’ARTF multiplie les sessions d’explication afin que la régularisation ne soit pas perçue comme une entrave, mais comme la garantie d’un service plus compétitif et respectueux des normes internationales de lutte contre le blanchiment. « Concilier obligations religieuses et exigences prudentielles est possible », a affirmé M. Ngolo, appelant les opérateurs à se déclarer dans un esprit de responsabilité citoyenne.
Le pari d’une gouvernance financière inclusive
Au-delà des sanctions, le régulateur insiste sur l’accompagnement. Des guichets uniques, implantés dans chacun des douze départements, permettront aux acteurs de formaliser leur activité en moins de dix jours ouvrables. Selon les données de la Banque centrale du Congo, le taux de bancarisation avoisine 18 %, tandis que la finance mobile dépasse déjà 42 %. L’ambition gouvernementale est claire : transformer cette avance technologique en pilier d’inclusion, en particulier pour les zones rurales encore peu desservies par les agences bancaires traditionnelles.
Cap sur 2027 : réussir la transformation digitale
Dans la trajectoire fixée par le président Denis Sassou Nguesso, l’ARTF se voit comme un catalyseur de la mobilisation des ressources intérieures d’ici à 2027. La coopération déjà engagée avec les banques de la place, les institutions de microfinance et plusieurs fintechs panafricaines laisse entrevoir un écosystème plus transparent, capable de dialoguer avec les partenaires internationaux. Pour Brazzaville, la crédibilité de cette réforme constituera également un signal fort aux investisseurs, soucieux de la robustesse des cadres de conformité. En enclenchant la phase répressive après la pédagogie, le Congo affirme sa détermination à inscrire la révolution numérique dans un état de droit financier dont les bénéfices, espère-t-on, irrigueront durablement le développement national.