Contexte géopolitique d’une diplomatie touristique
Dans la cartographie mouvante des alliances Sud-Sud, Brazzaville et Caracas se découvrent des convergences stratégiques que la Nabemba Tourism Expo 2025 cristallise. L’événement, première plate-forme internationale dédiée à la valorisation des atouts touristiques du Bassin du Congo, ambitionne de dépasser la dimension méridionale classique en accueillant un acteur latino-américain au pedigree éprouvé. La République bolivarienne du Venezuela, représentée à Brazzaville par l’ambassadrice Laura Evangelia Suárez, voit dans cette vitrine « une opportunité de projeter nos meilleures pratiques de diversification économique fondée sur le tourisme communautaire », a-t-elle confié, évoquant les modèles testés sur les littoraux de Mochima ou dans les plaines de Los Llanos.
Pour le Congo, la présence vénézuélienne complète la stratégie de densification des partenariats extra-continentaux prônée par le chef de l’État Denis Sassou Nguesso. Dans la doctrine brazzavilloise, la diplomatie touristique s’inscrit désormais dans un triptyque – environnement, culture, jeunesse – considéré comme un prolongement naturel de l’action extérieure du pays, à côté des secteurs énergétiques et forestiers plus traditionnels.
Vers une coopération Sud-Sud élargie
Le dialogue initié entre la délégation de Wild Safari Tours, structure porteuse de la Nabemba Tourism Expo, et la représentation diplomatique vénézuélienne ne se limite pas à la location d’un pavillon d’exposition. Les deux parties travaillent à un protocole d’entente visant l’implication directe de tour-opérateurs de Caracas, Maracaibo et Isla Margarita. Il s’agirait, selon le coordonnateur national de l’Expo, Emerancy Francel Ibalank, de « bâtir une chaîne de valeur qui, de la réservation jusqu’aux packages multi-destinations, intègre les opérateurs des deux rives de l’Atlantique ».
Une telle articulation renforcerait l’offre touristique congolaise, encore dominée par le segment d’affaires, tout en ouvrant au Venezuela un corridor expérimental vers le marché d’Afrique centrale. Les experts y voient un laboratoire de la doctrine de coopération élargie prônée par le Mouvement des non-alignés, dont les deux pays sont membres, tout en demeurant compatible avec les engagements climatiques dictés par l’Accord de Paris.
Un agenda environnemental partagé
Parce que le Bassin du Congo constitue le deuxième puits de carbone planétaire, l’Expo entend placer la protection des écosystèmes au cœur des débats. L’ambassadrice Suárez a proposé d’inscrire, dans le programme scientifique, des tables rondes sur la gestion participative des aires protégées et sur la certification des produits touristiques bas carbone. Le Venezuela, riche de son expérience du Parc national Canaima, « peut apporter une méthodologie d’implication des communautés autochtones que nous avons éprouvée au pied du Salto Ángel », a-t-elle soutenu.
Côté congolais, l’initiative résonne avec la politique nationale soutenue par le président Sassou Nguesso, qui plaide régulièrement pour la monétisation des services rendus par la forêt et pour la diplomatie climatique en Afrique centrale. L’Expo servira ainsi de plateforme témoin, montrant que la coopération touristique peut devenir un vecteur de financements innovants pour la conservation.
Formation et jeunesse comme leviers d’intégration
Au-delà de l’événementiel, le dossier Congo-Venezuela accorde une place prépondérante à la formation. Les universités Marien Ngouabi et Simón Bolívar étudient la mise en place d’un double diplôme en management du tourisme durable. Par ailleurs, des sessions intensives d’espagnol professionnel seront proposées aux étudiants congolais souhaitant intégrer les métiers de guide interprète. « La mobilité académique est la forme la plus durable du soft power », observe un diplomate latinocolombien accrédité à Brazzaville, pour qui ces programmes favoriseront une génération de cadres biculturels.
Le projet inclut également des chantiers-écoles de restauration de sites patrimoniaux, soutenus par le ministère congolais de la Jeunesse. Le Venezuela, réputé pour ses écoles de Maestros Pueblos, y transférerait son expertise en artisanat d’art et en mise en tourisme des patrimoines oraux. La jeunesse congolaise, forte d’une créativité reconnue dans la sous-région, y trouverait un espace d’expression et d’employabilité.
Prospective : intérêts mutuels et stabilité régionale
Si la dimension économique immédiate reste modeste – moins d’un millier de touristes vénézuéliens enregistrés au Congo en 2023 –, les retombées intangibles sont loin d’être négligeables. À court terme, l’Expo offre à Brazzaville un instrument de visibilité, alors que la diplomatie congolaise accélère ses efforts de consolidation de la paix régionale. Pour Caracas, l’opération illustre la diversification d’un partenariat longtemps centré sur le pétrole, et conforte son retour discret sur la scène africaine.
La réussite de cette coopération soumise à des variables financières et logistiques dépendra toutefois de la fluidité aérienne, des régimes de visas et de la résilience macroéconomique des deux États. Or, les signaux sont convergents : la compagnie équatorienne Equair négocie une liaison triangulaire Quito-Caracas-Brazzaville, tandis que les ministères des Finances explorent des mécanismes de compensation bilatérale libellés en monnaies locales. En inscrivant la Nabemba Tourism Expo 2025 dans un cadre pluriannuel, Brazzaville et Caracas misent sur la continuité, gage d’une diplomatie économique qui, sans faire de bruit, alimente la stabilité et la prospérité partagée.