UBA consolide son maillage national
L’ouverture, fin juillet, d’une agence United Bank for Africa dans le troisième arrondissement de Pointe-Noire confirme la montée en puissance discrète mais régulière du groupe nigérian sur le marché congolais. En l’espace de cinq ans, UBA Congo a quasiment doublé son réseau, accompagnant la stratégie de bancarisation portée par la Banque des États de l’Afrique centrale et relayée par le gouvernement de Brazzaville. La nouvelle implantation, dotée d’un guichet automatique 24 heures sur 24 et de services de e-banking, répond à une demande croissante pour des instruments de paiement modernes, dans un paysage où, selon la BEAC, moins d’un adulte sur trois possède encore un compte formel.
Tié-Tié, microcosme de la croissance urbaine
Choisir Tié-Tié n’a rien d’anodin. Avec près de 300 000 habitants, cet arrondissement concentre les flux commerciaux informels qui alimentent la capitale pétrolière du pays. Artisans, petits transporteurs et vendeurs de produits halieutiques y constituent un tissu économique aussi dense que méconnu. UBA parie qu’en rapprochant la banque de cette clientèle, elle captera une épargne jusque-là dormante et facilitera l’accès au crédit de roulement indispensable aux chaînes d’approvisionnement locales. « La proximité reste la meilleure incitation à déposer son argent plutôt qu’à le garder dans un tiroir », confie un responsable de l’Association congolaise des micro-financeurs.
Un alignement avec la vision économique gouvernementale
L’initiative résonne avec le Plan national de développement 2022-2026, qui place l’inclusion financière et le soutien aux PME au cœur de la diversification de l’économie congolaise. Pots-de-vin, complexité administrative et coût du crédit freinent encore la création d’entreprises formelles, mais Brazzaville s’emploie à améliorer son indice Doing Business. En appuyant son extension territoriale, UBA contribue à cet objectif sans remettre en cause le rôle central que l’État entend conserver dans l’allocation des ressources stratégiques. Le ministre congolais des Finances n’a d’ailleurs pas manqué de saluer « un investissement utile à la stabilité macroéconomique et à la cohésion sociale ».
Des défis d’inclusion financière encore tangibles
Il serait néanmoins réducteur de voir dans l’inauguration de Tié-Tié la panacée aux défaillances du système. Le niveau de bancarisation reste tributaire de la confiance, de la transparence tarifaire et de l’interopérabilité des plateformes numériques. Dans les marchés périphériques de Pointe-Noire, la méconnaissance des produits d’épargne continue de favoriser le recours aux tontines. UBA tente de contourner cet obstacle en déployant des conseillers polyglottes, capables de dialoguer en lingala, kituba et vili. Parallèlement, la banque s’appuie sur la couverture 4G désormais disponible sur l’axe côtière pour promouvoir son application mobile, outil jugé décisif pour absorber la forte densité démographique des quartiers populaires sans multiplier à l’infini les guichets physiques.
Perspectives régionales et rôle de la CEMAC
Au-delà des frontières congolaises, le mouvement s’inscrit dans la compétition croissante que se livrent les établissements panafricains pour capter l’épargne de la zone CEMAC. La rationalisation des exigences prudentielles de Bâle III, en cours d’adaptation à Libreville, devrait accroître les besoins en fonds propres et accélérer les consolidations. Dans ce contexte, l’implantation de Tié-Tié constitue un signal à double détente : elle montre la confiance du groupe dans la résilience de l’économie congolaise, tandis qu’elle rappelle aux concurrents locaux que la course à la proximité constitue désormais un terrain stratégique. Par effet d’entraînement, les petites banques domestiques pourraient être amenées à revisiter leurs modèles, alimentant un cercle vertueux que les autorités monétaires appellent de leurs vœux.
Une fenêtre sur la résilience congolaise
Au final, la façade immaculée de l’agence Tié-Tié dépasse l’esthétique architecturale pour devenir métaphore d’une ambition nationale : consolider les acquis de la stabilité macroéconomique et irriguer les couches populaires d’instruments financiers adaptés. UBA n’est certes pas la première banque à miser sur Pointe-Noire, mais elle semble décidée à faire de la ville océane un laboratoire de services bancaires hybrides, mêlant contact humain et innovation digitale. Si les indicateurs de performance confirment l’élan, les observateurs diplomatiques peuvent y voir l’esquisse d’une diplomatie du portefeuille, dans laquelle l’accès aux services financiers devient puissant vecteur de cohésion et d’intégration régionales, conformément aux orientations du président Denis Sassou Nguesso pour un Congo plus ouvert et plus inclusif.