Un incubateur citoyen au cœur de l’écosystème
Au pied des tours administratives de Brazzaville, la Fondation Telema réunit depuis le 18 juillet une promotion de vingt-six créateurs d’entreprise. Sous l’égide de son secrétaire général, Jesse Franck Goma, l’institution a ouvert les portes d’un cycle intensif de trois semaines dédié à la mise en orbite de projets à fort potentiel. Loin d’un simple effet de communication, cette quatrième cohorte s’inscrit dans une stratégie plus vaste : consolider un tissu de start-up capables d’ancrer la croissance hors hydrocarbures.
Le financement accordé par la Fondation – plus de cent millions de francs CFA distribués aux précédentes promotions – rappelle que l’incubation n’est pas qu’un laboratoire d’idées. Elle devient un levier tangible pour l’économie réelle, dans un pays où la jeunesse représente plus de 60 % de la population active (données ministère de la Jeunesse, 2023).
Faire émerger des leaders responsables
Le programme s’articule autour d’un trépied pédagogique éprouvé : gestion de projet, développement personnel et culture du reporting. Les animateurs, choisis parmi des praticiens de la finance et des consultants en stratégie, privilégient l’étude de cas et la simulation de négociation. « Ici, l’erreur est permise, l’échec est analysé, puis transformé en apprentissage », glisse une formatrice invitée, convaincue qu’une entreprise robuste se construit d’abord sur un diagnostic lucide de ses faiblesses.
Cette méthode active tranche avec les formats académiques classiques. Elle répond aux attentes d’une génération qui, connectée aux réseaux mondiaux, souhaite tester, pivoter, et créer de la valeur en temps réel. Les modules consacrés à l’élaboration d’une charte éthique rappellent toutefois qu’une rentabilité durable exige l’ancrage dans les normes fiscales, sociales et environnementales du pays. La Fondation entend ainsi former non seulement des chefs d’entreprise, mais aussi des acteurs civiques conscients de leur responsabilité collective.
Synergies avec les politiques publiques nationales
La trajectoire de Telema ne saurait être dissociée du cadre stratégique porté par les autorités congolaises. Le Plan national de développement 2022-2026 fait de l’employabilité des jeunes et de la diversification productive deux priorités centrales. En orientant ses financements vers l’agro-transformation, la tech inclusive et les services à haute valeur ajoutée, l’incubateur s’inscrit dans ces ambitions gouvernementales. Plusieurs lauréats des précédentes cohortes ont d’ailleurs bénéficié de facilités administratives et fiscales prévues par la loi sur la promotion des PME de 2020, signe d’une articulation cohérente entre acteurs publics et privés.
Interrogé en marge du lancement, un responsable du ministère des PME souligne que « la Fondation Telema matérialise sur le terrain l’engagement présidentiel en faveur d’une économie tournée vers l’innovation ». Dans le même esprit, la Banque nationale de développement économique prévoit d’élargir ses lignes de crédit aux entreprises issues de l’incubateur, renforçant ainsi l’effet d’entraînement sur l’ensemble de la chaîne de valeur.
De Brazzaville à la CEMAC, un rayonnement attendu
L’expérience Telema commence à susciter l’intérêt des pays voisins. Des délégations venues du Cameroun et du Gabon ont récemment visité le campus pour s’inspirer de ses bonnes pratiques. À l’heure où la Commission de la CEMAC encourage l’harmonisation des dispositifs d’accompagnement des start-up, le modèle congolais pourrait servir de pilote régional.
La présence dans la nouvelle promotion de projets orientés vers l’exportation numérique ou la logistique verte ouvre des perspectives de maillage transfrontalier. Elle plaide pour la création, à moyen terme, d’un réseau d’incubateurs interconnectés, capable d’amplifier l’intégration économique sous-régionale. La Fondation Telema, en se positionnant en éclaireur, contribue ainsi à rehausser l’image d’un Congo résolument tourné vers les solutions d’avenir.
Cap sur une croissance inclusive
Si la sélection fut drastique – vingt-six dossiers retenus sur plus d’un millier –, elle témoigne d’une exigence qualitative indispensable pour garantir la viabilité des projets. Chaque porteur devra, d’ici au 8 août, présenter un plan d’action assorti d’indicateurs de performance. L’enjeu est clair : démontrer que l’innovation peut rapidement devenir un pourvoyeur d’emplois locaux, comme le rappelle Jesse Franck Goma : « Un seul projet solide peut générer deux, trois ou quatre postes ; multipliés par des dizaines d’initiatives, c’est tout un bassin d’emplois qui se dessine ».
Tandis que la communauté diplomatique observe avec attention la mutation des économies africaines, le cas Telema offre un récit nuancé : la jeunesse congolaise n’attend pas, elle construit. À la croisée d’une volonté politique assumée et d’un dynamisme sociétal palpable, l’incubateur brazzavillois confirme qu’une croissance inclusive n’est pas une chimère, mais le fruit d’une alliance méthodique entre talents, capitaux et vision de long terme.