Brazzaville et Caracas à l’unisson
Il est parfois des accords qui résonnent plus fort qu’un discours diplomatique. Le 7 août, le hall du ministère congolais de l’Industrie culturelle, touristique, artistique et des Loisirs a vibré sous les salves sonores de trois tam-tams vénézuéliens remis par l’ambassadrice du Venezuela, Laura Evangelia Suarez, à la ministre Lydie Pongault. Cette rencontre s’inscrit dans la trame désormais dense d’un partenariat culturel entre Brazzaville et Caracas, amorcé lors de la dernière édition du Festival panafricain de musique (Fespam). En offrant cette « famille » de tambours – grand, moyen et petit – le groupe folklorique afro-vénézuélien Madera, invité du Fespam, a voulu matérialiser la mémoire commune qui unit les peuples afro-descendants des deux rives de l’Atlantique.
Un patrimoine musical renforcé
Destinés au Musée panafricain de la musique, les instruments rejoignent désormais une collection consacrée aux sonorités du continent et de sa diaspora. Le conservateur de l’institution rappelle que le Musée, inauguré en 1996, s’est donné pour mission de préserver les matrices rythmiques africaines fragmentées par l’histoire de la traite. Dans cette perspective, l’arrivée de tambours nés dans les communautés afro-vénézuéliennes de Barlovento, façonnés dans le cedrella odorata et accordés à la corde, apporte un contrepoint précieux aux percussions congolaises à membranes de peau tannée. Elle permet également aux chercheurs de tracer la circulation des motifs rythmiques, du bakongo ancestral au fulgurant mapalé caribéen.
Mémoire partagée et diplomatie culturelle
À écouter Laura Suarez, « les musiques congolaise et vénézuélienne se comprennent immédiatement ». La phrase n’est pas qu’une envolée poétique ; elle traduit une stratégie de rapprochement sud-sud plus large, celle d’États qui voient dans les arts un vecteur d’influence douce complémentaire aux coopérations économiques. Pour la ministre Lydie Pongault, le geste confirme « la vocation panafricaine et universaliste » du Fespam, vitrine internationale portée par les autorités congolaises depuis 1996. En acceptant ces tambours, le Congo s’affirme comme carrefour légitime d’un patrimoine musical en constante redéfinition, tout en confortant ses engagements auprès de l’Union africaine pour la valorisation des industries créatives.
Des répercussions sociales immédiates
Le retentissement du don dépasse les murs feutrés des musées. Deux exemplaires supplémentaires ont été attribués, l’un au groupe féminin Tam-Tam sans frontières, l’autre au Village d’enfants cardinal Émile Biayenda. Jean-Didier Mayembo, responsable de cet orphelinat, confie qu’« sans musique, un pays est mort », saluant l’accompagnement du percussionniste Muleck, chargé d’initier des enfants parfois âgés de deux ans seulement. Pour Sandra Dihoulou, leader de Tam-Tam sans frontières, l’apport de ces tambours « modernes » ouvre des perspectives d’hybridation sonore qui pourraient séduire la scène afro-pop congolaise. Ainsi se dessine un cercle vertueux où la diplomatie culturelle infuse directement dans le tissu social, encourageant la créativité et l’insertion des plus jeunes.
Vers de nouveaux horizons rythmiques
L’expérience, saluée par les milieux universitaires de Brazzaville, pourrait préfigurer une série d’échanges croisés. Plusieurs musicologues envisagent déjà des résidences conjointes, doublées d’ateliers de lutherie, afin de comparer techniques de montage de peaux et systèmes d’accordage. À terme, un répertoire commun pourrait voir le jour, mêlant tambours congolais, quitiplás vénézuéliens et chants lingala aux polyphonies espagnoles. En attendant, les tam-tams vénézuéliens reposent au Musée panafricain, prêts à vibrer à la moindre frappe. Leur présence rappelle qu’au-delà des frontières et des océans, le tempo reste une langue universelle, et que Brazzaville, fidèle à son histoire de capitale de la musique en Afrique centrale, continue de battre la mesure d’un dialogue ouvert vers le monde.