Une traversée parisienne chargée de symboles diplomatiques
Sous un ciel d’été encore tiède, les parlementaires francophones ont quitté l’hémicycle de l’Assemblée nationale pour rejoindre l’Institut de France en longeant la Seine. La marche, simple en apparence, s’est muée en métaphore diplomatique, rappelant que la Francophonie circule, relie, irrigue. En tête de cortège, Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet encadraient une brochette d’orateurs dont Isidore Mvouba, président de l’Assemblée nationale du Congo-Brazzaville. Le choix d’un trajet pédestre plutôt qu’une procession motorisée n’était pas anodin : il soulignait la dimension humaine du parlementarisme, fondée sur la proximité, l’écoute et la déambulation intellectuelle. Tandis que les pavés parisiens résonnaient, le dialogue se tissait déjà, en marge des micros, entre élus africains, européens et caribéens, tous conscients que les négociations fructueuses commencent souvent loin des pupitres officiels.
Le rôle silencieux mais stratégique de la délégation congolaise
Au sein de ce concert pluriel, la délégation congolaise a observé une posture de vigie constructive. Isidore Mvouba, familier des arcanes francophones, a multiplié les apartés avec ses homologues d’Afrique centrale. L’objectif tacite consistait à consolider un front parlementaire capable de porter des priorités régionales — sécurité transfrontalière, interconnexions énergétiques, modernisation des systèmes de santé — sans heurter la sensibilité de partenaires plus éloignés. Brazzaville, qui jouit d’une tradition de médiation depuis la Conférence nationale souveraine, mesure que son influence se nourrit moins de démonstrations tapageuses que d’allers-retours patients entre capitales alliées. La marche symbolique, en ce sens, offrait un théâtre inégalé pour tisser ces fils diplomatiques discrets mais robustes.
Francophonie et résilience : des thèmes qui résonnent à Brazzaville
La session parisienne s’est réunie sous le signe « La Francophonie, une ancre dans un monde en crise ». Le mot ancre renvoie à l’idée de stabilité, valeur cardinale pour un Congo-Brazzaville qui se veut pôle régional de paix. Dans les couloirs du palais Mazarin, plusieurs parlementaires ont salué la capacité congolaise à maintenir un climat politique apaisé malgré les turbulences qui secouent le Golfe de Guinée. Pour Isidore Mvouba, l’enjeu réside désormais dans la transposition, au sein des commissions de l’APF, d’une conception intégrée de la résilience démocratique : combinaison de réformes électorales, de programmes de jeunesse et d’infrastructures de cybersécurité, autant de chantiers qui épousent les priorités fixées à Brazzaville par le président Denis Sassou Nguesso.
Des chantiers législatifs partagés, de la sécurité climatique à la cohésion sociale
Au-delà de la rhétorique cérémonielle, les commissions thématiques ont entrouvert de véritables négociations normatives. Sur le climat, la délégation congolaise a rappelé que la forêt du Bassin du Congo demeure le deuxième poumon mondial et qu’elle mérite, à ce titre, un régime incitatif équitable. Les parlementaires européens, sensibles à l’argument de la valeur-puits de carbone, ont reconnu l’urgence d’une compensation calibrée. Sur le terrain social, Brazzaville a également défendu l’extension d’un socle de protection sanitaire, plaidant pour des financements croisés afin de prévenir les épidémies transfrontalières. Le ballet des amendements a montré que, loin des clichés d’alignement automatique, la diplomatie congolaise sait conjuguer fermeté et pragmatisme.
Un espace parlementaire élargi : nouvelles voix, nouveaux équilibres
La 50e session a entériné l’adhésion de Sao Tomé-et-Principe, du Ghana, du Landtag de Sarre et de l’Assemblée parlementaire de la Commission de l’océan Indien. Pour Brazzaville, l’arrivée d’États lusophones ou germanophones n’amoindrit pas l’empreinte africaine, bien au contraire. En diversifiant les profils linguistiques, la Francophonie confirme sa vocation d’écosystème de convergence plutôt que de club identitaire. La délégation congolaise y voit une opportunité supplémentaire d’articuler, sous la bannière du français, une coalition continentale apte à négocier d’égal à égal avec les grands ensembles. Cette évolution renforce la pertinence stratégique du Congo-Brazzaville, souvent perçu comme un trait d’union entre Afrique centrale et circuits atlantiques.
La langue comme levier d’influence et de coexistence africaine
« Si le français fait communauté, c’est parce qu’il est davantage qu’un ensemble de règles », a rappelé Gérard Larcher. Brazzaville adhère pleinement à cette philosophie. Dans un continent qui comptera, dès 2050, près de 400 millions de francophones, la langue s’apparente à un capital immatériel central pour la diplomatie économique. Le Congo-Brazzaville, conscient de ce dividende démographique, mise sur la valorisation de son système éducatif bilingue et sur les médias transnationaux pour projeter une image d’ouverture. Isidore Mvouba a ainsi mis en avant l’Université Denis-Sassou-Nguesso de Kintélé, plateforme vouée à l’interdisciplinarité et à l’innovation que plusieurs délégations ont déjà sollicité pour des échanges académiques.
Perspectives : capitaliser sur l’élan de Paris pour un multilatéralisme rénové
En quittant l’Institut de France, la délégation congolaise emporte surtout un carnet de route. Les résolutions sur l’État de droit, la sécurité et la lutte contre la désinformation devront être transposées à Brazzaville, dans un calendrier qui devrait déboucher sur de nouveaux projets de loi dès la prochaine session parlementaire. À l’horizon, la présidence congolaise s’attache à renforcer les synergies entre diplomatie parlementaire et diplomatie exécutive, convaincue qu’une cohérence accrue multiplie l’influence du pays. La 50e APF, loin d’avoir été une simple célébration, a donc fourni un laboratoire grandeur nature d’où émerge l’ambition d’un multilatéralisme rénové, fidèle à l’esprit d’ouverture qui anime la République du Congo et son chef de l’État.