Forum national, miroir de la gouvernance forestière
Les lambris dorés du ministère en charge de l’Économie forestière se sont effacés, le temps d’un forum, derrière un dispositif plus inclusif : tables rondes mêlant fonctionnaires, exploitants, représentants autochtones et chercheurs. Cette composition inédite, accueillie à Brazzaville les 23 et 24 juin 2025, illustre l’importance stratégique que la République du Congo accorde désormais à la diplomatie climatique, au-delà des cénacles onusiens, pour ancrer la concertation au niveau national. L’initiative, portée conjointement par la Rencontre pour la paix et les droits de l’homme et l’Observatoire congolais des droits de l’homme, s’inscrit dans le prolongement du programme britannique Forêt, gouvernance, marchés et climat, rappelant que la régulation des flux de bois tropicaux est devenue un dossier de politique étrangère à part entière.
Le Congo, deuxième massif forestier d’Afrique centrale, se trouve à la confluence d’attentes parfois divergentes : maintien de la croissance, protection de la biodiversité et respect des engagements pris dans l’Accord de Paris. Dans ce contexte, le forum a servi de laboratoire d’idées, chacun testant la solidité de sa position face aux arguments de l’autre. Ainsi, les opérateurs privés ont défendu la nécessité d’un climat d’affaires lisible tandis que les communautés de la Sangha ont insisté sur leur rôle d’« écogardiens » de facto.
Entreprises et communautés, vers un pacte renouvelé
La décennie écoulée a vu naître un modèle de concession forestière de plus en plus contraint par les standards internationaux de traçabilité. Toutefois, le terrain révèle encore des frictions : cahiers des charges inadaptés à la taille réelle des sociétés, mécanismes de partage des bénéfices insuffisamment clarifiés et faiblesse de la capacité de contrôle in situ. Les témoignages recueillis à Brazzaville convergent : villages et entreprises gagneraient à formaliser un véritable contrat social, garantissant à la fois la préservation des moyens de subsistance et la sécurisation de l’investissement.
Les représentants du secteur privé, conscients de la concurrence entre bassins d’approvisionnement, ont plaidé pour des incitations fiscales à l’exportation de produits transformés localement. « In fine, une scierie installée à Dolisie vaut mieux qu’une grume expédiée brute depuis Pointe-Noire », a souligné un directeur général. Côté communautés, la priorité va à la reconnaissance des usages coutumiers, préalable, selon elles, à toute gestion concertée.
Le droit forestier, socle attendu de la durabilité
La révision du Code forestier, adoptée en 2020 mais encore partiellement orpheline de ses textes d’application, demeure le nœud gordien. Les participants ont exhorté le gouvernement à accélérer la publication des décrets d’exécution afin d’éviter que la norme ne soit qu’un traité d’intentions. Interrogé en marge des travaux, un haut cadre de l’administration a rappelé que « l’élaboration d’un décret passe par plusieurs paliers de validation, garants de la sécurité juridique ».
Cette étape est d’autant plus cruciale que le Congo négocie actuellement une feuille de route avec ses partenaires techniques pour accéder à de nouveaux financements carbone. Sans assise juridique claire, l’architecture de paiement pour services environnementaux risquerait de se fracturer face à l’arbitrage des bailleurs. Or, ces ressources conditionnelles pourraient représenter un complément budgétaire significatif pour les plans nationaux de développement.
Synergies sociétales et diplomatie climatique
Le forum s’est voulu le reflet d’une diplomatie nationale tournée vers l’« écosystème d’acteurs ». L’idée de renforcer les synergies entre ONG locales, institutions publiques et partenaires étrangers répond à un impératif de cohérence, mais également à une logique d’influence. À l’heure où se dessinent les contours d’un marché mondial du carbone plus structuré, offrir un front uni accroît la crédibilité du Congo dans les négociations internationales.
Dans cette perspective, les organisations de la société civile ont proposé de codifier des mécanismes de suivi citoyen, allant de la cartographie participative des coupes à la création de cellules d’alerte dans les préfectures. Le gouvernement, soucieux de consolider la paix sociale, y voit l’opportunité de disposer de relais de terrain aptes à prévenir les conflits d’usage. Les bailleurs, enfin, y perçoivent une garantie de bonne gouvernance, critère déterminant dans l’allocation des ressources vertes.
Perspectives vers Brazzaville et au-delà
Au terme des deux journées, les principales recommandations convergent vers un même horizon : faire des forêts congolaises un laboratoire de développement durable africain. L’administration promet d’organiser, avant la fin de l’année, un atelier technique consacré à l’harmonisation des cahiers des charges, tandis que les entreprises se sont engagées à publier davantage d’informations sur leurs plans d’aménagement. La société civile, pour sa part, poursuivra la sensibilisation des communautés afin de transformer les bonnes pratiques en réflexes pérennes.
Cette dynamique, accueillie favorablement par les partenaires bilatéraux, s’inscrit dans une trajectoire diplomatique plus large. Brazzaville, hôte régulier de sommets environnementaux, entend capitaliser sur sa stabilité politique pour se positionner en négociateur fiable entre le Bassin du Congo et les blocs d’investissement vert. En filigrane, l’enjeu dépasse la seule gestion forestière : il s’agit de conjuguer souveraineté économique, diplomatie climatique et cohésion nationale, autant de piliers d’un récit congolais qui mise sur la forêt comme ressource de puissance douce.