Dialogue parlementaire Congo-France, une tradition vivace
Au cœur d’un mois d’août pourtant réputé pour son calme administratif, la visite de l’ambassadrice de France, Claire Bodonyi, chez le président du Sénat congolais, Pierre Ngolo, a réactivé un fil diplomatique tissé depuis plus de six décennies. L’entretien, présenté comme courtois, s’est mué en rappel historique : depuis l’institution de la Chambre haute congolaise en 1992, Paris et Brazzaville n’ont cessé de mettre à profit leur proximité linguistique et juridique pour raffermir une coopération parlementaire souvent moins médiatisée que les grands dossiers bilatéraux.
La Francophonie, incubateur d’influence partagée
C’est dans le cadre de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie que Pierre Ngolo s’est rendu récemment à Paris, avant d’être convié au traditionnel défilé du 14 Juillet. « La grande famille francophone s’est reconnue dans la présence des délégations africaines », confiait l’ambassadrice Bodonyi à la sortie de l’audience, évoquant un « moment à la fois politique et symbolique ». Cet agenda festif n’a pourtant rien d’anecdotique : la Francophonie reste un espace où se négocient des positions communes sur la gouvernance démocratique, l’inclusion numérique ou la transition écologique. Pour Brazzaville, il s’agit d’un théâtre d’influence complémentaire à l’action diplomatique menée par l’exécutif congolais auprès des institutions multilatérales.
Art de légiférer : vers une professionnalisation mutuelle
Si les caméras retiennent la poignée de main, c’est en coulisses que se joue la valeur ajoutée de ces échanges. « On n’écrit pas un texte de loi comme on écrit un poème », a rappelé, avec un brin d’espièglerie, la diplomate française. Entre Paris et Brazzaville, les questions de procédure, d’expertise juridique et de documentation parlementaire font l’objet de séminaires techniques où administrateurs et conseillers se confrontent à leurs méthodes respectives. La bibliothèque du Palais du Luxembourg a déjà accueilli plusieurs documentalistes congolais en formation, tandis qu’à Brazzaville, un cycle d’ateliers sur l’évaluation des politiques publiques, animé par des fonctionnaires français, a été salué pour son approche pragmatique. Désormais, la mise en réseau des plateformes numériques de suivi législatif ouvre la voie à une coopération 2.0, adaptée aux contraintes budgétaires et sanitaires contemporaines.
Des retombées concrètes pour la gouvernance congolaise
À moyen terme, la Chambre haute congolaise espère consolider sa capacité de contrôle de l’action gouvernementale et de dialogue avec la société civile. La récente promulgation, sans heurts, de la loi relative à la protection des données personnelles, examinée en commission à la lumière de benchmarks européens, illustre la fertilisation croisée des expériences. « Nous voulons progresser dans la qualité de l’argumentaire législatif, renforcer la lisibilité des débats et, in fine, accroître la confiance des citoyens », déclarait la semaine passée la sénatrice Victoire Ngakala, membre du bureau du Sénat. Du côté français, le président Gérard Larcher voit dans ce compagnonnage un moyen d’entretenir la vitalité de la Francophonie parlementaire et de promouvoir un multilatéralisme francophone apaisé.
Cap sur de nouvelles convergences stratégiques
Dans un contexte géopolitique marqué par la diversification des partenariats du Congo, la relation avec la France conserve une dimension affective mais se veut désormais résolument tournée vers des intérêts communs : transition énergétique, gestion durable des forêts du Bassin du Congo et sécurisation des routes maritimes du Golfe de Guinée. Autant de dossiers sur lesquels les Sénats peuvent jouer un rôle de facilitation, en amont des négociations intergouvernementales. L’initiative d’un prochain forum parlementaire sur l’économie bleue, évoquée par Claire Bodonyi, témoigne de cette ambition partagée d’anticiper les mutations régionales.
Un soft power discret mais stratégique
Au-delà de l’apparente routine protocoliaire, la diplomatie parlementaire participe au rayonnement du Congo-Brazzaville, en harmonie avec l’action conduite par le chef de l’État, Denis Sassou Nguesso, sur les scènes africaine et internationale. Elle offre à la Chambre haute un champ d’expression complémentaire, à faible coût politique, et renforce la visibilité d’un pays souvent légitimement fier de sa stabilité institutionnelle. Pour la France, elle représente un ancrage précieux dans une Afrique centrale en recomposition. Les hémicycles se donnent ainsi rendez-vous à l’automne, à Paris puis à Brazzaville, pour poursuivre un dialogue qui, sous les dorures, s’avère plus stratégique qu’il n’y paraît.