Une dynamique victorieuse qui surprend les observateurs
Il souffle un vent nouveau sur le sable chaud de Martil. Dans l’arène improvisée face à l’Atlantique, la sélection béninoise de beach-volley, encore classée parmi les outsiders il y a quelques mois, enchaîne les performances qui déroutent les pronostics établis par la Confédération africaine de volleyball. Après avoir fait plier l’Égypte, formation généralement installée dans le carré final, les Guépards ont récidivé avec autorité devant le Ghana. Deux rencontres, deux victoires sans concéder le moindre set : la statistique, répercutée dans les tribunes des délégations comme dans les salons feutrés de Cotonou, atteste de la montée en puissance d’un collectif travaillé dans la discrétion.
La paire Daouda-Tobby, produit d’une préparation millimétrée
Pour percer le secret d’un tel élan, il faut se pencher sur l’alchimie façonnée entre Yacoubou Daouda et Tohouegnon Tobby. Tous deux issus du pôle d’excellence de Ouidah, les joueurs ont bénéficié depuis janvier d’un programme de préparation conjointement élaboré par le ministère des Sports béninois et des experts envoyés par la Fédération internationale de volleyball. Aux séances de renforcement physique matinales succédaient les travaux vidéo analysant la gestion des vents côtiers marocains. « Nous avons insisté sur la synchronisation du saut et la communication non verbale », confie le sélectionneur Jawal Tabe, rencontré en bord de terrain.
Un succès tactique construit face au Ghana
Le duel contre le Ghana, remporté 25-23 puis 21-18, a mis en lumière une gestion des points chauds qui renvoie à une maturité rarement observée à ce stade de la compétition. Durant le premier set, le tandem béninois a accepté de laisser passer l’orage ghanéen en se contentant de défendre bas. C’est dans les moments cruciaux, à 22-22, qu’une variation de service longue diagonale, décidée à la seconde sur un signe de main, permit de forcer la réception adverse à l’erreur. L’efficacité de cette stratégie traduit la confiance réciproque entre partenaires ainsi que l’autorité tranquille d’un staff qui n’a pas cru bon de multiplier les temps morts, laissant libre cours à l’instinct préparé des joueurs.
Le rendez-vous contre le Burundi, pivot psychologique
À l’approche du dernier match de poule, c’est un sentiment d’équilibre prudent qui domine le camp béninois. Officiellement, le discours reste mesuré, les dirigeants rappellent qu’il ne s’agit que d’une étape intermédiaire avant la lutte à élimination directe. Officieusement, chacun sait que dominer le Burundi signerait un sans-faute symbolique, consoliderait la première place du groupe et repousserait l’éventualité d’affronter prématurément des cadors comme le Maroc ou la Tunisie en quarts. « Nous devons verrouiller l’aspect mental, ne pas tomber dans l’euphorie », martèle le préparateur psychologique Jean-Alexis Hounkounou, adepte d’exercices de visualisation avant chaque mise en jeu.
Un passeport pour l’Australie en toile de fond
Au-delà de la médaille continentale, se dresse l’ambition à plus long terme : le Championnat du monde 2025 en Australie. La compétition planétaire, qui réunit l’élite des quarante meilleures nations, n’a jamais accueilli la bannière béninoise. Obtenir le précieux billet constituerait un précédent au même titre diplomatique que la première qualification des Écureuils de football à la CAN 2004. Les décideurs voient déjà plus loin : une présence en Australie permettrait d’ouvrir de nouveaux partenariats d’équipements, de formation, mais aussi d’instaurer un dialogue sportif accru entre l’Afrique de l’Ouest et la zone Asie-Pacifique, terrain stratégique en quête de soft power.
Quand le sport de plage épouse la diplomatie du « modèle béninois »
L’ascension des Guépards ne relève pas seulement d’une performance sportive, elle s’inscrit dans une narration nationale de la résilience. En mobilisant un budget resserré autour de filières ciblées, le Bénin tente de démontrer qu’un État de taille moyenne peut, par une gouvernance méthodique, investir le champ de la diplomatie sportive. Les victoires à Martil servent de vitrine à cette stratégie. Le ministère des Affaires étrangères a d’ores et déjà planifié une réception des athlètes à Cotonou, réception où seront conviés des représentants d’agences de coopération internationale et d’entreprises désireuses de soutenir la prochaine étape. L’objectif est clair : transformer l’énergie née sur le sable en capitaux, en échanges universitaires et en création d’emplois liés au tourisme sportif.
Perspectives et équation finale
Le Bénin ne fanfaronne pas. S’il convainc en chiffres, il demeure conscient de la volatilité de la discipline et de la densité du plateau africain. La dernière séance d’entraînement avant le duel burundais a été fermée au public, signe d’une concentration maximale. Sur le banc, le staff répète que la marge d’erreur se réduit à mesure que la lumière médiatique grandit. Pourtant, il flotte une sérénité nouvelle : depuis Martil, les Guépards se sont découvert un statut et refusent de le qualifier de surprise. Le sable reste meuble, la trajectoire d’une balle peut basculer, mais la confiance, cette haute et fragile muraille, paraît désormais solidement ancrée dans l’esprit de la paire Daouda-Tobby. À vingt-quatre heures du verdict, l’histoire du beach-volley béninois est en passe de prendre un tournant majeur, et nul n’ignore que cette épopée pourrait redessiner la cartographie sportive d’un continent toujours avide de nouveaux héros.