Un adieu qui fait vibrer la diplomatie sportive
Le 12 juillet 2025, dans la quiétude de Kakak, village natal du défunt, le dernier coup de sifflet a semblé suspendre le temps. Au-delà de la peine familière que l’on ressent lorsqu’un athlète d’exception s’éteint, les hommages à Emmanuel Kundé ont souligné la portée quasi diplomatique de son parcours. De Roger Milla, saluant « un frère de vestiaire et d’idéal panafricain », au président de la Fédération congolaise de football rappelant que « Kundé fut notre premier modèle venu d’ailleurs », les discours ont mis en lumière la force douce que représente le football dans le rapprochement politique des peuples.
Le canon de Yaoundé et l’écho de Brazzaville
La résonance de Kundé à Brazzaville s’est bâtie dès 1979, sous le maillot rouge et vert du Canon sportif de Yaoundé. À l’époque, la pelouse du stade Massamba-Débat célébrait la Coupe d’Afrique des clubs champions ; Kundé y imposa sa lecture du jeu, faite d’élégance et d’autorité. Ces prestations, revécues aujourd’hui avec une pointe de nostalgie, ont semé un imaginaire collectif dont témoignent les noms de baptême adoptés par de jeunes Congolais séduits par le style sobre du défenseur. Cette effervescence populaire, encouragée par les autorités congolaises soucieuses de consolider l’entente régionale, montre comment le sport consolide une diplomatie de terrain, sans protocole, mais durable.
Les années 1980 : un pont de gazon entre deux capitales
Les archives audiovisuelles rappellent trois rencontres déterminantes au stade Massamba-Débat : 1983, 1984 et 1987. Sous le maillot des Lions indomptables, Kundé disputa des matches qualificatifs à la Coupe d’Afrique des nations qui drainaient des tribunes entières de supporters congolais venus observer la mécanique camerounaise. La presse de Brazzaville, alors en pleine modernisation, louait « la force tranquille tout droit sortie des forêts du Mbam ». Ces moments ont nourri une coopération sportive officiellement consolidée par les ministères de la Jeunesse et des Sports des deux pays. La diplomatie classique saluait déjà l’initiative, y voyant un ciment supplémentaire dans la stabilité sous-régionale.
La trace laissée sur les politiques publiques congolaises
À la fin des années 1990, la réforme des centres de formation congolais s’est inspirée de l’exemple camerounais, lui-même incarné par la trajectoire de Kundé. D’anciens ministres congolais des Sports admettent encore aujourd’hui que l’esprit de discipline et de cohésion qu’il symbolisait a guidé l’écriture des chartes internes de clubs locaux tels que l’Étoile du Congo. Cette influence s’est révélée compatible avec les orientations nationales en matière de jeunesse et de cohésion sociale, soutenues par le gouvernement congolais en vue de maintenir un climat pacifique et un esprit de dépassement au sein de la population.
Un legs moral en phase avec les ambitions régionales
La CEMAC place désormais la diplomatie sportive au cœur de ses nouvelles stratégies d’intégration. Si les grands noms ne manquent pas, la figure de Kundé est fréquemment convoquée dans les séminaires, comme l’illustration d’une excellence sobre et inclusive. En 2024, lors des assises régionales de Douala sur le développement du football, des délégués congolais ont rappelé « la capacité de Kundé à incarner le panafricanisme sans discours grandiloquent ». L’on mesure ici la valeur immatérielle d’un athlète devenu ressort symbolique, à la fois instrument de paix et vecteur d’influence pour les politiques de voisinage prônées par Brazzaville.
La mémoire en héritage et l’avenir du fair-play
À Kakak, la stèle funéraire porte cette épitaphe : « Le silence est l’élégance des vainqueurs ». Elle résume le personnage et semble inviter les nouvelles générations à conjuguer performance et humilité. Au Congo-Brazzaville, plusieurs initiatives de jumelage scolaire et de tournois inter-départements porteront désormais son nom, signe qu’une passerelle patrimoniale s’installe dans la durée. En tissant ce fil rouge, les autorités congolaises, tout en célébrant le prestige de leur partenaire camerounais, réaffirment l’importance stratégique que revêt le sport dans la consolidation d’une stabilité régionale chère à l’ensemble des gouvernements d’Afrique centrale.
Au-delà de l’émotion, la responsabilité des héritiers
Quarante-cinq ans après ses premiers pas internationaux, Emmanuel Kundé continue de servir de boussole. Son parcours, relu aujourd’hui par les diplomates et les décideurs, rappelle que la force de l’exemple l’emporte souvent sur la rhétorique. Entre Yaoundé et Brazzaville, on considère désormais que le devoir des institutions est de transformer l’émotion collective en programmes tangibles en faveur de la jeunesse. La disparition du défenseur, loin de refermer une page, ouvre donc un nouveau chapitre : celui d’une coopération sportive plus structurée, soutenue par un esprit de fair-play que Kundé, silencieusement, n’a jamais cessé d’enseigner.