Une diplomatie du chiffre au cœur de la gouvernance congolaise
Lorsqu’un État choisit de se raconter par la précision statistique plutôt que par la seule rhétorique, il envoie un signal clair à sa communauté nationale et internationale. L’officialisation, à Brazzaville, de la troisième Enquête Démographique et de Santé (EDS III) s’inscrit dans cette logique. Sous l’égide du Ministre de l’Économie, du Plan et de l’Intégration régionale, flanqué de son homologue de la Santé, la cérémonie a réuni représentants de Catholic Relief Services, de la Banque mondiale et des agences onusiennes. L’assise diplomatique de l’évènement n’échappe à personne : derrière la collecte de micro-données se joue la projection macro-politique d’un pays désireux de consolider sa crédibilité réformatrice.
La mécanique méthodologique d’une enquête d’envergure
Depuis la première campagne de 2005, puis celle de 2011-2012, l’appareil statistique congolais a étoffé ses compétences. Le Directeur général de l’Institut national de la statistique (INS) a, chiffres à l’appui, détaillé les jalons déjà franchis : finalisation des questionnaires, tests de robustesse des outils numériques, cartographie fine de l’habitat. Viendra bientôt la formation des agents enquêteurs, étape cruciale visant à uniformiser les entretiens et fiabiliser la mesure des indicateurs de mortalité infantile, de couverture vaccinale ou de prévalence paludique. Cette rigueur procédurale répond aux standards de la Demographic and Health Survey (DHS) Program, garantissant la comparabilité internationale des résultats.
CRS, Banque mondiale et partenaires : l’architecture financière et technique
À l’heure où la soutenabilité budgétaire reste une préoccupation centrale des États, le financement de l’EDS III illustre un partage de responsabilités équilibré. Catholic Relief Services mobilise près d’un milliard de francs CFA, soit 48 % de l’enveloppe globale, tirés de la subvention GC7 du Fonds mondial. La Banque mondiale apporte, pour sa part, une contribution ciblée sur l’assistance technique et la modernisation des infrastructures de collecte mobile. L’engagement de ces partenaires s’explique par la pertinence des retombées attendues : un socle statistique crédible constitue un atout précieux pour l’allocation efficiente des ressources et la traçabilité des programmes financés par la communauté des bailleurs.
Vers une culture nationale de la donnée probante
Sous la houlette du Président Denis Sassou Nguesso, la planification publique s’est structurée autour du Plan national de développement 2022-2026, dont l’un des nerfs demeure la disponibilité d’indicateurs actualisés. Les deux premières EDS avaient permis d’éclairer des domaines aussi divers que l’accès à l’eau potable ou la santé maternelle. En actualisant la photographie socio-sanitaire, l’EDS III répond donc à un double impératif : affiner les cibles de la politique nationale de solidarité et consolider le tableau de bord réclamé par les institutions de Bretton Woods dans leur dialogue macro-économique avec Brazzaville. « L’évidence statistique protège la politique publique de l’arbitraire », résume un haut fonctionnaire du ministère du Plan.
Défis logistiques et opportunités d’intégration régionale
L’enquête, qui couvrira plus de quarante mille ménages répartis sur l’ensemble du territoire, pose un défi d’accessibilité, notamment dans la Likouala inondable ou les districts forestiers de la Sangha. Le recours à des tablettes satellitaires et à la cartographie participative permettra de limiter les zones blanches. Par ailleurs, l’adhésion du Congo aux initiatives d’harmonisation statistique de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) ouvre la voie à une lecture régionale des indicateurs, favorisant la convergence des politiques de santé transfrontalière, notamment sur la tuberculose et la gestion des épidémies zoonotiques.
Perspectives stratégiques pour la décennie 2025-2035
Au-delà de la publication des résultats attendue fin 2026, l’EDS III devrait impulser un cercle vertueux. D’une part, la montée en compétence des statisticiens nationaux consolidera le transfert technologique et la pérennité des bonnes pratiques. D’autre part, la crédibilité des données renforcera la position du Congo dans les négociations internationales relatives au financement climatique et à la sécurité sanitaire mondiale. À terme, les projections démographiques serviront de base à l’optimisation du réseau scolaire, à l’extension de la couverture santé universelle et à la territorialisation des investissements agricoles. Autant d’axes qui, conjugués, nourrissent la vision d’un développement durable, inclusif et résolument tourné vers l’avenir.