Climat social sous haute tension
La tension sociale monte d’un cran à la Société des postes et de l’épargne du Congo. Réunis en assemblée générale le 7 octobre, les principaux syndicats ont brandi la menace d’un sit-in illimité pour faire avancer leurs revendications salariales et organisationnelles.
Les agents disent accumuler plus de cinquante mois d’arriérés, un retard qui pèse sur leur quotidien et sur la capacité de l’entreprise publique à conserver ses compétences.
Salaires arriérés : un passif qui s’allonge
Selon l’intersyndical, les salaires non versés couvrent une période échelonnée sur sept ans, preuve, estiment-ils, d’une crise structurelle.
Le protocole d’accord signé en janvier 2023 prévoyait pourtant un calendrier d’apurement. Un an plus tard, seules deux mensualités auraient été réglées en différé, en août.
« Nous continuons à travailler, mais nos familles souffrent », confie un facteur de Brazzaville qui préfère rester anonyme par prudence professionnelle.
Les arriérés compromettent aussi la couverture sociale des employés. Plusieurs témoignent de difficultés à régler cotisations à la Caisse nationale de sécurité sociale, retard qui pourrait peser sur leurs pensions futures.
Des sources internes évoquent une baisse d’effectifs liée aux départs volontaires vers le privé, accentuant la charge de travail des équipes restantes sans possibilité immédiate de recrutement.
Accusations sur la gestion financière
Les syndicats pointent la gestion des revenus du timbre électronique, décrite comme opaque. Ils redoutent que ces ressources, cruciales pour la trésorerie, ne soient mobilisées à d’autres fins.
L’état du parc automobile et des bâtiments est aussi mis en avant : véhicules immobilisés, bureaux privés de climatisation et archives exposées à l’humidité.
La direction, sollicitée, assure qu’un audit interne est en cours pour évaluer l’ensemble des besoins d’investissement et que des rapports seront transmis au conseil d’administration.
Dans leur avis, les syndicalistes rappellent que la poste avait autrefois l’un des réseaux les plus denses d’Afrique centrale, atout menacé si l’entretien du patrimoine n’est pas priorisé.
Le contrôle financier a relevé ces dernières années une progression des charges opérationnelles, notamment le carburant et les frais de télécoms, sans corrélation claire avec la hausse du chiffre d’affaires.
Demandes de négociations renouvelées
Au-delà du volet financier, les représentants réclament l’annulation de reclassements jugés arbitraires et souhaitent la reprise immédiate du dialogue social suspendu depuis plusieurs mois.
Ils suggèrent la présence d’un médiateur du ministère des Postes pour garantir un cadre concerté et éviter toute interruption du service public.
Autre point sensible, le poste de secrétaire général de la Banque postale du Congo, dont la SOPECO détient un cinquième du capital. Les agents souhaitent y voir nommé un professionnel interne pour défendre les intérêts maison.
Le collectif syndical insiste aussi sur la formation continue. Plusieurs agents n’ont pas suivi de recyclage technologique depuis cinq ans, alors que le secteur postal se digitalise.
La direction reconnaît ce décalage et assure préparer un plan de renforcement des capacités, dont le financement pourrait provenir d’un partenariat public-privé en discussion.
Risque pour le service public postal
La perspective d’un sit-in illimité inquiète les usagers, en particulier les PME qui utilisent la messagerie express pour expédier factures et contrats.
Le marché du e-commerce, encore émergent au Congo-Brazzaville, pourrait voir ses délais d’acheminement s’allonger, limitant la confiance des clients.
De son côté, la direction se dit ouverte à la discussion et rappelle que la continuité du service postal reste une mission de service public inscrite dans la stratégie nationale de connectivité.
Pour les étudiants basés hors des grandes villes, la poste reste la voie principale d’acheminement des relevés de notes et des documents administratifs, soulignent des responsables universitaires.
Les compagnies d’assurance, qui expédient des chèques d’indemnisation, préviennent déjà leurs assurés d’éventuels délais supplémentaires si le conflit social s’enlisait.
Perspectives de sortie de crise
Plusieurs observateurs estiment qu’une solution rapide passe par un étalement de la dette salariale sous supervision étatique, afin de préserver l’outil postal sans alourdir la dépense budgétaire.
Les partenaires sociaux tablent, eux, sur l’établissement d’un calendrier précis, assorti de mécanismes de suivi mensuels incluant représentants du personnel et direction.
En attendant, chacun campe sur ses positions, même si tous reconnaissent l’importance d’éviter un arrêt complet des activités qui pénaliserait le grand public autant que l’économie.
La prochaine rencontre bilatérale est annoncée pour la semaine prochaine. Elle pourrait poser les fondations d’un compromis durable si chaque partie s’accorde sur un chronogramme réaliste.
Des parlementaires membres de la commission économique de l’Assemblée nationale disent suivre le dossier avec attention. Ils envisagent d’auditionner la direction et les syndicats pour favoriser un règlement rapide.
Le Conseil supérieur du dialogue social pourrait également servir de cadre institutionnel, comme il l’a fait pour d’autres entreprises publiques en restructuration.
En parallèle, des experts du numérique suggèrent de valoriser le savoir-faire logistique de la SOPECO via des solutions de livraison dernière-mile, créant ainsi de nouvelles sources de revenus pour garantir la pérennité salariale durable.