Brazzaville au cœur d’une scénographie féminine
Sous les palmiers de la corniche et les façades modernistes de la capitale, l’annonce du Festival Mwassi Film d’Afrique Ô Féminin résonne comme une invitation à un nouveau récit continental. Du 25 août au 8 septembre 2025, la ville s’apprête à se transformer en un vaste studio à ciel ouvert : projections en plein air sur la place de la Gare, séances intimistes à l’Institut français, débats au Centre culturel russe, chaque recoin se pare d’écrans et de chaises pliantes. Si le Congo reste une terre où le cinéma demeure en quête d’infrastructures, Brazzaville, forte de sa tradition artistique, semble prête à épouser cette effervescence. L’initiative bénéficie du soutien logistique de la municipalité et de l’accompagnement du ministère de la Culture, qui voit dans l’événement “un levier pour la diplomatie culturelle et l’employabilité des jeunes”, selon les mots de son directeur de cabinet, Arsène Mavoungou.
Une première édition sous le signe de l’engagement
Mwassi signifie « femme » en lingala, mais le terme charrie ici une portée qui dépasse la simple éthique de visibilité. « Nous ne cherchons pas la parité comme un quota, nous voulons rendre perceptible la singularité d’un regard », précise la programmatrice principale, Nadège Ngalula, ancienne participante au FESPACO. Plus de quarante films, courts et longs métrages, issus de vingt pays, seront projetés. De la comédie sociale kényane au thriller nigérian, la sélection dessine une cartographie dense des interrogations féminines : maternité, écologie, gouvernance locale, migrations intra-africaines. Chaque séance sera suivie d’un échange, dans l’esprit d’un cinéma d’utilité publique, héritier des ciné-clubs qui animaient les quartiers populaires dans les années 1970.
Laboratoire créatif et transmission des savoirs
Au-delà des écrans, le Festival Mwassi veut consolider une filière encore embryonnaire. Les ateliers annoncés – esthétique de film, écriture de scénario, montage ou direction d’acteurs – seront dirigés par des professionnelles chevronnées telles que la Camerounaise Valerie Ossouf ou la Congolaise Germaine Ololo. « Former, c’est déjà produire », martèle la monteuse Pierre-Manau Ngoula, convaincue que l’atelier devient la première étape d’une future coproduction régionale. Les organisatrices espèrent accueillir cent cinquante stagiaires, dont trente pour cent viendraient des départements de l’intérieur, afin d’élargir l’impact au-delà du périmètre brazzavillois.
Le Bassin du Congo mise sur ses propres images
Un accent particulier sera mis sur les productions locales. Le concours de courts métrages réservé aux réalisatrices congolaises proposera aux lauréates une résidence d’écriture à Pointe-Noire et une bourse de post-production financée par le Fonds d’aide à la culture. Cette disposition, saluée par la guilde des producteurs, vise à « créer une génération capable de raconter le fleuve, la forêt et la ville depuis l’intérieur », explique l’historien du cinéma Jérôme Gondet. Les diffuseurs régionaux, notamment Télé Congo et Vox Africa, ont déjà manifesté leur intérêt pour acquérir les droits de premières diffusions, signe que le marché domestique commence à reconnaître la valeur d’un contenu ancré dans le quotidien national.
Des échos à l’échelle continentale
Le Festival Mwassi ne se limite pas au seul divertissement. Ses tables rondes consacrées aux circuits de financement devraient accueillir des représentant-es de la Banque de développement des États d’Afrique centrale, du programme ACP-UE Culture et d’Amazon Prime Video, plateforme qui augmente son catalogue panafricain. L’objectif est de dresser une feuille de route pour faciliter l’accès des femmes aux fonds et aux contrats de distribution. « Nos créatrices ne réclament pas de traitement d’exception, elles exigent simplement l’égalité d’accès à la chaîne de valeur », rappelle la réalisatrice ivoirienne Mariam Coulibaly, invitée d’honneur. Brazzaville se positionne ainsi comme un carrefour où convergent intérêts publics, capital privé et aspirations artistiques, consonant avec la stratégie nationale de diversification économique.
Un rendez-vous pérenne ?
Les organisatrices ont déjà ouvert l’appel à candidature, disponible jusqu’au 15 août via un formulaire simplifié sur les réseaux sociaux. Le taux de réponse, selon les premiers relevés, dépasse les prévisions, signe d’un engouement certain parmi les jeunes professionnelles. Reste la question de la pérennité. Le festival ambitionne un budget pluriannuel en partenariat avec l’Organisation internationale de la francophonie et mise sur la coproduction sud-sud pour asseoir sa régularité. Les autorités municipales ont, de leur côté, confirmé la mise à disposition annuelle des sites de projection. Une complémentarité public-privé qui, si elle se confirme, pourrait inscrire Mwassi parmi les rendez-vous structurants de l’agenda culturel du Congo-Brazzaville, au même titre que le Festival panafricain de musique ou la Biennale d’art contemporain de Pointe-Noire. Les projecteurs s’allumeront en août ; le défi sera de maintenir cette lumière sur le long terme.