Un écosystème congolais favorable à l’innovation sociale
Dans un contexte sous-régional où la souveraineté numérique devient un vecteur de compétitivité, le Congo-Brazzaville multiplie les initiatives visant à accroître les capacités de sa jeunesse. La création en 2022 du Centre de formation des jeunes vivant avec handicap (Cenfor-Jh) s’inscrit dans la dynamique d’un État qui place la cohésion sociale au cœur du Plan national de développement 2022-2026. L’organisation, dirigée par Edgar Bavoumina, a choisi de cibler un public souvent tenu à l’écart : les jeunes malentendants issus de l’Institut des jeunes sourds de Brazzaville. En associant acteurs publics, partenaires internationaux et communauté locale, le projet illustre une diplomatie de proximité où la société civile complète les politiques gouvernementales sans s’y substituer.
Le numérique, levier stratégique d’autonomisation
L’orientation vers les métiers digitaux répond autant à une exigence de compétitivité qu’à une ambition d’équité. Les formations dispensées – design graphique, bureautique avancée, initiation au codage et impression sur supports variés – dotent les apprenants d’outils immédiatement valorisables sur le marché. « Lors de nos premières enquêtes de terrain, les élèves se disaient limités à la menuiserie ou à la couture. Ils ont accueilli avec enthousiasme la perspective d’acquérir des compétences numériques », remarque Edgar Bavoumina.
En misant sur ces savoir-faire, Cenfor-Jh épouse les orientations du gouvernement, qui mise sur l’économie numérique pour diversifier la base productive nationale. Les jeunes formés ne se placent plus en marge mais au cœur d’une filière jugée stratégique par les décideurs de Brazzaville et par les partenaires multilatéraux (PNUD, UNICEF).
Défis matériels et mobilisation des partenaires
La réussite de l’initiative se heurte toutefois à la disponibilité limitée d’équipements spécialisés, tels que les imprimantes industrielles ou les terminaux adaptés. Les sessions d’une durée de deux mois s’interrompent parfois faute de financement, tandis que la mobilisation parentale reste perfectible. « Pour imprimer, nous dépendons encore d’ateliers extérieurs », confie le responsable de Cenfor-Jh, plaidant pour « un accompagnement financier des autorités locales afin d’acquérir un parc matériel pérenne ».
Dans un esprit d’alliances coopératives, l’association sollicite la mutualisation des ressources publiques et privées. Les bailleurs bilatéraux et la communauté diplomatique installée à Brazzaville voient dans cet appel l’occasion de renforcer la responsabilité sociétale de leurs programmes, tout en consolidant leur partenariat avec un État attaché à l’inclusion.
De la norme à la pratique : gouvernance inclusive
Le cadre juridique congolais consacre déjà le droit à l’emploi des personnes vivant avec handicap. La matérialisation de ces dispositions passe, selon Edgar Bavoumina, par la création d’un lycée professionnel spécialisé et par l’intégration systématique d’interprètes en langue des signes dans les structures publiques. Ces recommandations convergent avec la Convention relative aux droits des personnes handicapées ratifiée par le Congo, tout en s’adaptant aux réalités locales.
L’administration, engagée dans une réforme de modernisation de la fonction publique, explore des mécanismes d’incitation pour favoriser le recrutement de profils diversifiés. Cette convergence entre la société civile et l’État nourrit une gouvernance inclusive où les politiques publiques et les initiatives citoyennes se renforcent mutuellement, sans logique conflictuelle.
Un potentiel d’essaimage sous-régional
Forte des vingt-et-un premiers diplômés, l’expérience Cenfor-Jh ambitionne désormais de s’étendre à d’autres formes de handicap et de rayonner au-delà des frontières nationales. L’écosystème de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale favorise la circulation des bonnes pratiques, tandis que la diplomatie congolaise met en avant ses succès sociaux dans les forums multilatéraux.
À l’heure où l’Afrique centrale réfléchit à une stratégie commune sur la transition numérique, l’exemple brazzavillois rappelle qu’une transformation technologique authentique doit rester inclusive. La jeunesse sourde congolaise, loin de demeurer silencieuse, apporte désormais sa contribution au concert économique national : une illustration concrète de l’adage présidentiel selon lequel aucun citoyen ne doit être laissé au bord du chemin.
Vers une maturation durable de l’initiative
La pérennisation de Cenfor-Jh reposera sur l’élargissement des partenariats, l’accroissement des ressources matérielles et la consolidation des cursus certifiants. Les signaux sont encourageants : plusieurs entreprises locales ont manifesté leur intérêt pour des stages, tandis que les autorités envisagent d’intégrer des modules en langue des signes dans les futurs centres de formation professionnelle.
En conjuguant volonté politique, engagement citoyen et appui multilatéral, Brazzaville démontre que l’inclusion numérique peut devenir une véritable diplomatie du développement humain. Au-delà des chiffres, c’est la reconnaissance d’une citoyenneté à part entière que célèbrent chaque jour les nouveaux diplômés de Cenfor-Jh, débarrassés du carcan des préjugés et dotés d’une compétence recherchée dans l’économie congolaise émergente.