Un enjeu régional pour la sécurité aérienne
La salle de conférence d’un hôtel de Brazzaville a réuni, le 17 octobre, les ministres des Transports des six pays de la CEMAC pour la septième session du Comité dirigeant de l’Agence de supervision de la sécurité aérienne en Afrique centrale, l’ASSAC-AC.
À l’issue de la séance d’ouverture, la Congolaise Ingrid Olga Ghislaine Ebouka-Babackas a reçu le marteau symbolique de présidence, succédant à son homologue centrafricain Herbert Gotran Ndjono-Ahaba. Le passage de témoin marque un moment stratégique pour la sous-région, dont le trafic reprend après la pandémie.
Créée en 2013, l’ASSAC-AC appuie les autorités de l’aviation civile du Cameroun, du Congo, du Gabon, de la Guinée équatoriale, de la République centrafricaine et du Tchad. Elle effectue des audits, délivre des approbations techniques et émet des recommandations en matière de sûreté.
Trois priorités affichées par le Congo
Dans son discours d’investiture, la ministre a organisé sa feuille de route autour de trois axes: renforcer la sécurité des vols, garantir la viabilité financière de l’ASSAC-AC et intensifier la formation continue des contrôleurs, inspecteurs et cadres administratifs.
«Ces priorités exigent des décisions courageuses et une coopération renforcée», a-t-elle déclaré devant ses pairs, soulignant que les partenariats avec l’Organisation de l’aviation civile internationale et les bailleurs africains restent déterminants pour hisser l’agence au rang de référence continentale.
Au-delà de la dimension régionale, la présidence congolaise espère des retombées directes pour les aéroports de Maya-Maya et d’Agostinho-Neto. Des inspections conjointes sont prévues afin d’accélérer l’obtention des certificats internationaux, condition préalable à l’ouverture de nouvelles lignes long-courriers.
Bilan du mandat centrafricain
Avant de passer la main, Herbert Gotran Ndjono-Ahaba a dressé un bilan jugé «encourageant». Sous son mandat, l’agence a recruté du personnel spécialisé en ingénierie, droit aérien, informatique et administration, permettant l’opérationnalisation effective de plusieurs services techniques.
Le président sortant a également mis en lumière l’élaboration de manuels d’organisation et de procédures, outils essentiels pour harmoniser les inspections et les audits dans l’ensemble de la CEMAC. Ces référentiels, désormais diffusés, doivent être appliqués avec régularité dans chaque autorité nationale.
Le nerf de la guerre : finances
Pour assurer la pérennité budgétaire, cinq États membres ont déjà instauré la Redevance de sécurité aérienne régionale, un prélèvement ajouté au prix du billet. Ce mécanisme a quasiment doublé les ressources de l’agence, offrant une augmentation de 120 % selon les chiffres communiqués.
Brazzaville compte consolider cette dynamique en encourageant le Gabon, seul pays retardataire, à déployer la redevance dans les prochains mois. Parallèlement, la nouvelle présidente promet de renforcer le suivi des cotisations égalitaires, afin d’assurer un flux prévisible de liquidités.
L’agence lance également un audit externe destiné à évaluer la gouvernance et à identifier de nouvelles sources de financement. Pour le commissaire Francial Giscard Baudin Libengué Dobelé-Kpoka, cet exercice, conduit par un cabinet indépendant, donnera «la transparence indispensable à la crédibilité internationale».
Cap sur la formation et l’harmonisation juridique
La compétitivité de la sous-région passe aussi par des compétences solides. Un programme de perfectionnement des inspecteurs sera actualisé pour couvrir la surveillance des drones, les risques cyber et la gestion des crises, domaines jugés critiques par les experts de l’OACI.
L’ASSAC-AC a déjà formé plus de 200 auditeurs depuis 2021, mais la ministre veut porter ce chiffre à 350 d’ici fin 2024. Pour y parvenir, des séminaires itinérants seront organisés à Douala, Libreville et Pointe-Noire, en partenariat avec l’École africaine de météorologie et de l’aviation civile.
Sur le plan normatif, sept règlements d’exécution régionaux ont été adoptés afin d’uniformiser les obligations de sécurité. Les États disposent d’un délai allant jusqu’à 2026 pour transposer ces textes. La présidence congolaise entend publier un tableau de bord trimestriel afin de suivre la progression.
Prochaines étapes jusqu’en 2026
Parmi les actions immédiates figure la mise en place d’autorités nationales autonomes, dotées de personnalité juridique et d’autonomie de gestion. Cette recommandation, plusieurs fois rappelée, doit permettre de clarifier la chaîne décisionnelle et d’accélérer l’émission de certificats de navigabilité.
Le prochain sommet ministériel est prévu à Bangui au deuxième trimestre 2024. Les délégués y examineront les premiers indicateurs de performance et, surtout, les progrès de l’audit externe. Les conclusions orienteront les investissements supplémentaires nécessaires pour atteindre les normes mondiales de taux d’accidents.
À moyen terme, Brazzaville souhaite promouvoir la mutualisation des centres de maintenance et la création d’une base de données régionale sur les incidents, afin de faciliter la prévention. Des rencontres techniques mensuelles en visioconférence serviront à partager retours d’expérience et bonnes pratiques.
Pour les voyageurs, ces réformes se traduiront par des contrôles plus fluides et par une baisse des primes d’assurance sur les billets. Le nouveau leadership congolais entend ainsi rendre le ciel d’Afrique centrale plus sûr et plus abordable pour tous.
La digitalisation des procédures fait également partie des chantiers, avec l’objectif d’instaurer d’ici 2025 une plateforme d’échange de données en temps réel entre les six pays membres.