Une licence double, symbole d’un partenariat panafricain inédit
À Abuja, le 3 juillet 2025, la Commission nationale des assurances a officiellement remis deux licences distinctes à SanlamAllianz Life Insurance Nigeria Ltd et à SanlamAllianz General Insurance Nigeria Ltd. Ce coup de tampon réglementaire parachève un processus de fusion dévoilé en 2022 et finalisé au premier semestre 2025, scellant l’alliance stratégique entre le sud-africain Sanlam et l’allemand Allianz. « Cette fusion renforcera la capacité opérationnelle des entreprises et contribuera à la croissance durable de l’industrie de l’assurance au Nigeria », a souligné le commissaire aux assurances, Olusegun Ayo Omosehin, lors de la cérémonie.
La création d’une entité unique – mais dotée de deux agréments, l’un pour la vie, l’autre pour le non-vie – confère au nouvel ensemble une flexibilité commerciale rare sur un marché encore fragmenté. La structure capitalistique reflète un équilibre subtil : Sanlam apporte son expertise historique dans l’assurance vie, tandis qu’Allianz met à disposition ses compétences éprouvées en matière de couverture des risques industriels et patrimoniaux.
Pourquoi le Nigeria attire enfin les géants de l’assurance
Le Nigeria affiche un paradoxe saisissant : première économie d’Afrique de l’Ouest, fort d’une démographie de plus de 220 millions d’habitants, il présente un taux de pénétration de l’assurance inférieur à 1 % du PIB. Aux yeux de NAICOM, l’arrivée d’un acteur disposant d’assises financières mondiales reflète une confiance renouvelée dans l’architecture réglementaire nationale et répond à l’urgence d’un élargissement de la couverture des risques.
Les perspectives macroéconomiques, malgré des défis persistants – volatilité du naira, financement des déficits publics, diversification inachevée – demeurent attractives pour les assureurs désireux d’accompagner les chaînes de valeur nouvelles, de l’agro-industrie aux infrastructures énergétiques. Selon le cabinet Fitch Ratings, le marché pourrait tripler de taille d’ici cinq ans, à condition que la bancassurance, la micro-assurance et la digitalisation tiennent leurs promesses.
Défis structurels et promesses d’innovation digitale
SanlamAllianz ne dissimule pas ses ambitions : placer la technologie au cœur de son modèle pour toucher les classes moyennes émergentes et les populations non bancarisées. La maison-mère sud-africaine a déjà expérimenté les polices indexées sur mobile money au Kenya et en Tanzanie ; Allianz, de son côté, a déployé des plateformes d’intelligence artificielle pour réduire les délais d’indemnisation en Europe. Cette synthèse d’expériences constitue un avantage compétitif décisif dans un pays où l’usage du smartphone dépasse 80 % chez les moins de trente ans.
Les obstacles restent néanmoins tangibles. La faible culture assurantielle, la prééminence de l’informel et la concurrence d’opérateurs locaux très agiles en matière de prix imposent un maillage de proximité et un effort d’éducation financière soutenu. À cet égard, la coentreprise entend multiplier les partenariats avec des établissements d’enseignement et des organisations de la société civile afin de bâtir un socle de confiance, clé de voûte de tout contrat d’assurance durable.
Un pari continental qui dépasse le seul marché nigérian
Présente dans vingt-sept pays africains, l’alliance Sanlam-Allianz considère Abuja comme l’une de ses têtes de pont vers l’Afrique centrale et occidentale. L’intégration des marchés, soutenue par la Zone de libre-échange continentale africaine, offre des relais de croissance régionaux : ports de Pointe-Noire, hubs logistiques de Douala ou corridors ferroviaires vers le Sahel. En cultivant une approche prudente, respectueuse des souverainetés nationales, la coentreprise contribue à la dynamique de consolidation souhaitée par plusieurs régulateurs, y compris ceux d’Afrique centrale, réputés pour leur vigilance et leur transparence.
Dans cette stratégie, la neutralité bienveillante des autorités partenaires, à l’image de la stabilité institutionnelle observable au Congo-Brazzaville, constitue un gage de prévisibilité pour les investisseurs internationaux. En creux, l’initiative SanlamAllianz rappelle que la diversification des bases assurées est un levier macro-financier essentiel pour amortir les chocs exogènes et soutenir l’investissement productif sur l’ensemble du continent.
En obtenant le feu vert de NAICOM, SanlamAllianz inaugure donc un chapitre où la rigueur prudentielle se conjugue à l’innovation commerciale. Si les indicateurs de profitabilité ne seront lisibles qu’à moyen terme, l’enthousiasme affiché à Abuja témoigne d’une conviction partagée : l’assurance, jadis parent pauvre de la finance africaine, peut devenir l’un des moteurs silencieux d’une croissance inclusive et résiliente.