Brazzaville mise sur l’artisanat du bois
Du 11 au 25 août, les halls d’exposition du Palais des congrès de Brazzaville accueilleront la quatrième édition du Salon des métiers du bois, événement conjointement porté par les ministères des Petites et Moyennes Entreprises et de l’Économie forestière sous le haut patronage du Premier ministre. Placée sous le thème « Bois et artisanat : de la forêt à la maison, consommons congolais », la manifestation témoigne de la volonté des autorités de repositionner le secteur artisanal au cœur du développement national.
Interrogée par la presse, la ministre Jacqueline Lydia Mikolo a insisté sur « la nécessité de reconnecter le consommateur aux savoir-faire endogènes » en soulignant que nombre de produits recherchés à l’étranger existent déjà sur les marchés locaux à des prix abordables. Le salon se veut donc un espace de mise en lumière, mais aussi un laboratoire d’idées où les artisans pourront échanger avec des investisseurs et des acheteurs professionnels.
Un pilier de la diversification économique nationale
La question du bois excède le simple registre esthétique : elle s’inscrit dans la stratégie de diversification amorcée par le Plan national de développement 2022-2026. Longtemps dépendante des hydrocarbures, l’économie congolaise cherche de nouveaux foyers de croissance capables de consolider les recettes publiques et de créer des emplois non délocalisables. Or, selon les données du ministère du Plan, la filière bois représente déjà près de 7 % du PIB hors pétrole et emploie directement plus de 13 000 personnes.
Le Sameb se présente dès lors comme une plate-forme d’accélération. En agrégeant sculpteurs, menuisiers, designers, petites unités de transformation et grandes sociétés forestières, l’événement facilite la rencontre de l’offre et de la demande, mais aussi la diffusion de normes de qualité indispensables à l’insertion sur les marchés internationaux. L’État, pour sa part, y voit une opportunité de renforcer la fiscalité domestique tout en encourageant l’émergence de PME artisanales exportatrices.
Le « made in Congo » comme levier de diplomatie économique
Au-delà de la logique industrielle, la dimension diplomatique n’est pas négligeable. Annoncée la présence de délégations du Maroc, de l’Angola, de la Namibie ou encore de la République démocratique du Congo confirme le rôle de hub régional que Brazzaville aspire à jouer. À travers le bois – ressource partagée par une grande partie de l’Afrique centrale – le pays projette une image d’innovation artisanale et de stabilité règlementaire susceptible d’attirer des partenariats Sud-Sud.
Dans le sillage des Forums Chine-Afrique ou Turquie-Afrique, où la concurrence pour les matières premières s’intensifie, le gouvernement congolais entend afficher sa capacité à aller au-delà de l’exportation brute de grumes. La ministre Mikolo le rappelle : « Notre valeur ajoutée réside dans la créativité des artisans, pas seulement dans le mètre cube de bois scié ». Ce message, relayé par le Sameb, constitue un outil de soft power qui valorise l’identité culturelle tout en ouvrant la voie à des co-investissements dans la transformation locale.
Gestion durable et impératifs environnementaux
Toute stratégie de promotion du bois se doit néanmoins d’intégrer la durabilité. Le Congo-Brazzaville s’est engagé dans le processus APV-FLEGT avec l’Union européenne et a introduit un moratoire sur les nouvelles concessions forestières afin de préserver le bassin du Congo, deuxième poumon vert de la planète. Le salon consacre ainsi un pavillon à la certification et aux techniques à faible impact, rappelant que l’artisanat peut constituer une alternative responsable à l’exploitation industrielle extensive.
Des experts de l’Organisation internationale des bois tropicaux sont attendus pour débattre de la traçabilité et des chaînes d’approvisionnement courtes. L’objectif est d’articuler l’impératif de compétitivité avec la conservation des écosystèmes, garantissant que chaque objet de design exposé porte l’empreinte d’une forêt gérée de manière rationnelle.
Favoriser une culture de la consommation locale
L’enjeu le plus délicat demeure sans doute l’évolution des habitudes de consommation. L’imaginaire collectif assimile encore fréquemment la qualité au cachet d’importation. Pour inverser cette perception, le Sameb mise sur l’expérience sensorielle : toucher une table sculptée dans l’okoumé, admirer une marqueterie en wengé, échanger directement avec l’artisan qui l’a conçue. Ce contact réhabilite la valeur symbolique, mais aussi sociale, de l’achat local dans un contexte où le pouvoir d’achat reste contraint pour une partie de la population.
Les économistes rappellent que chaque franc dépensé chez un producteur installé sur le territoire génère un effet multiplicateur supérieur aux importations. À terme, l’espoir est de créer un cercle vertueux : plus de demande intérieure, plus d’investissements des PME, et donc davantage d’emplois, en particulier pour la jeunesse urbaine en quête d’activités porteuses de sens.
Perspectives régionales et internationales
Un salon n’a de portée que s’il se prolonge par des engagements concrets. Les organisateurs ambitionnent de signer, en marge de l’événement, plusieurs protocoles d’entente portant sur la formation professionnelle, la facilitation douanière et le financement vert. Dans le même temps, des institutions comme la Banque de développement des États de l’Afrique centrale étudient la création d’une ligne de crédit dédiée aux projets artisanaux à forte valeur écologique.
La scène est donc prête : artisans, capitaines d’industrie, diplomates et universitaires se rencontreront pendant deux semaines pour composer une nouvelle partition où l’économie du bois rime avec innovation, inclusion et responsabilité. Brazzaville y trouve l’occasion d’affirmer sa voix dans le concert des nations forestières, tout en consolidant l’idée qu’acheter local n’est pas un repli, mais l’expression d’une confiance partagée dans l’avenir du Congo.