Une croissance qui défie la sécheresse prolongée
À l’heure où la plupart des économies émergentes doivent composer avec le repli de la demande mondiale, Rabat enregistre une progression de 4,8 % de son produit intérieur brut au premier trimestre 2025, contre 3 % un an plus tôt (HCP, 2025). La performance surprend, car elle se déploie dans un contexte de six campagnes agricoles consécutives marquées par un déficit hydrique sévère. L’ingénierie institutionnelle marocaine consiste à décorréler progressivement la trajectoire de la croissance des caprices du ciel. Certes, le rebond ponctuel de la céréaliculture a contribué à la reprise, mais c’est surtout la redistribution du poids macroéconomique vers l’industrie, les services et les énergies renouvelables qui amortit l’onde de choc climatique.
La montée en puissance des secteurs non agricoles
Le nouveau visage productif du Royaume se dessine à travers la place prise par l’automobile, l’aéronautique ou l’offshoring, chaînes globales de valeur où le Maroc a su capitaliser sur sa proximité logistique avec l’Europe et sur des zones franches performantes. Dans le même temps, le BTP a crû de 6,3 %, profitant à la fois de la relance budgétaire et d’investissements étrangers attirés par des partenariats public-privé plus clairs. Les services, dopés par la normalisation touristique post-pandémique, affichent des hausses de 9,7 % dans l’hôtellerie et de 6,2 % dans la santé. Ces tendances confirment la transition vers une économie davantage tirée par la consommation urbaine, la logistique continentale et les technologies propres.
Stabilité macroéconomique et attractivité des investissements
Avec une inflation contenue autour de 2,3 % et un ratio dette publique/PIB en lente décrue, la signature souveraine marocaine se maintient dans une zone de confiance appréciée par les investisseurs de long terme (Banque mondiale, 2025). Le Royaume se classe à la 70ᵉ place du FM Global Resilience Index, cinquième en Afrique, grâce à l’amélioration de son cadre réglementaire, à l’extension du réseau autoroutier et à la montée en charge de ses ports Tanger Med et Nador West. La diplomatie économique menée par Rabat – illustrée par l’afflux de capitaux du Golfe et l’entente énergétique avec l’Union européenne – consolide une stratégie où diversification et ouverture coexistent avec un pilotage monétaire prudent.
Défis structurels et leviers de consolidation
La prospérité à moyen terme reste conditionnée à la sécurisation de la ressource hydrique. Les mégaprojets de dessalement, adossés aux énergies renouvelables, constituent une réponse de long terme, mais la rationalisation des usages agricoles et urbains n’en est qu’à ses prémices. Par ailleurs, l’économie numérique, si elle offre un réservoir d’emplois, suppose une cybersécurité renforcée, domaine que les autorités classent désormais parmi les priorités stratégiques. Enfin, l’enjeu de l’inclusion, notamment pour les femmes et les jeunes diplômés dont le taux de chômage demeure supérieur à 30 %, impose de lier flexibilisation du marché du travail et montée en gamme de la formation professionnelle.
Perspective régionale et diplomatique
Dans un environnement continental marqué par la fragmentation et la montée des risques, la trajectoire marocaine est observée avec intérêt, y compris par Brazzaville, qui s’inspire du modèle de diversification pour consolider sa propre économie pétrolière. L’engagement du Maroc dans l’Initiative africaine pour les énergies renouvelables ou son appui technique à la finance climatique illustre la recherche d’un leadership coopératif plutôt qu’hégémonique. Au-delà des chiffres, la résilience se mesure également à la capacité d’entraînement régional: en misant sur la connectivité et la mutualisation des savoir-faire, Rabat ouvre un champ des possibles qui, sans être une panacée, accentue la cohésion économique du continent face aux turbulences mondiales.