Un dispositif communautaire au cœur de la vérification
Dans les quartiers de Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie et Ouesso, la scène se répète : listes en main, chefs de quartiers et équipes techniques du Projet de protection sociale et d’inclusion productive des jeunes (PSIPJ) passent minutieusement en revue chaque candidature. Une atmosphère studieuse, presque clinique, préside à ces échanges où l’adresse, la composition familiale ou la situation économique du postulant sont interrogées point par point. Loin d’être protocolaire, l’exercice répond à une exigence de transparence voulue par les autorités congolaises et leurs partenaires internationaux.
Le recours au leadership de proximité offre plusieurs avantages. « Personne ne connaît mieux la réalité d’un quartier que son chef », confie Florent Moussa Malonga, membre d’un comité communautaire de ciblage. Cette expertise locale permet de distinguer les situations de réelle précarité de celles qui, parfois, se dissimulent derrière des déclarations incomplètes. En écartant, par exemple, les étudiants issus de ménages aisés, le dispositif cherche à préserver la vocation inclusive du projet tout en rationalisant l’allocation des ressources.
De Lisungi au PSIPJ : continuité stratégique et élargissement d’échelle
Né dans le sillage du programme Lisungi, salué pour son efficacité face aux soubresauts socio-économiques de la pandémie de COVID-19, le PSIPJ en reprend la philosophie d’entraide tout en l’orientant résolument vers la jeunesse. Le passage à une logique de développement soutenu, et non plus seulement de réponse d’urgence, signale une ambition renouvelée : convertir les transferts sociaux en investissements humains durables.
Marcel Moukoko, responsable local du suivi-évaluation à Brazzaville-Nord, rappelle que « la composante 6 cible spécifiquement les 18-35 ans pour consolider leur résilience via la formation et l’entrepreneuriat ». Cette articulation, qui marie protection et productivité, s’inscrit dans la vision gouvernementale d’un capital humain renforcé contribuant à la diversification de l’économie nationale.
Validation ascendante : de la rue au bureau du maire
Une fois les listes tamisées par les chefs de quartiers, les dossiers connaissent une seconde vie dans les bureaux des administrateurs-maires. Cette étape, purement institutionnelle, garantit l’alignement du processus avec la réglementation nationale et matérialise la complémentarité entre structures de base et administration centrale.
Si le contrôle rigoureux peut sembler fastidieux, il répond à la double exigence de la Banque mondiale et de l’État congolais : démontrer que chaque franc CFA investi atteint effectivement sa cible. « L’adhésion des collectivités locales constitue un gage de légitimité et de redevabilité », souligne une source au ministère des Affaires sociales. Dans un contexte où la redevabilité publique demeure une valeur cardinale, cette séquence ascendante conforte le sentiment d’impartialité ressenti par les bénéficiaires potentiels.
Formation qualifiante et subvention : un tandem pour l’autonomisation
L’ingénierie du PSIPJ prévoit, après validation, un passage obligatoire par la formation. Qu’elle concerne la mécanique, l’agro-transformation ou le numérique, la session qualifiante vise à doter les jeunes vulnérables de compétences immédiatement monnayables sur le marché national. Au terme de cette phase, une subvention d’amorçage favorise l’implantation ou la consolidation des micro-projets.
Cette séquence articulation-financement est jugée décisive par les observateurs. En dotant la jeunesse d’outils pratiques avant de lui confier un capital de départ, le programme limite le risque de détournement de fonds et renforce la confiance des bailleurs. Les autorités congolaises y voient un moyen de répondre simultanément aux aspirations de la jeunesse et aux impératifs de croissance inclusive.
Impact attendu et signaux diplomatiques positifs
Avec une capacité d’intervention dans quatre grands bassins de population, le PSIPJ entend toucher plusieurs milliers de bénéficiaires directs durant son cycle de vie. Son architecture partenariale, associant l’expertise de la Banque mondiale à la connaissance fine du terrain détenue par les administrations congolaises, envoie un signal d’efficacité aux partenaires techniques et financiers du pays.
Au-delà des chiffres, la démarche illustre la volonté de Brazzaville de consolider ses mécanismes de gouvernance sociale tout en respectant les standards internationaux de bonne gestion. Dans un environnement diplomatique où la crédibilité des programmes dépend autant des résultats que des procédures, le modèle de validation communautaire mis en œuvre sous l’égide du président Denis Sassou Nguesso apparaît comme un banc d’essai réussi d’innovation administrative et de solidarité nationale.