Une feuille de route climat-développement désormais publique
En installant, à Brazzaville, la bannière officielle de Proclimat Congo, le ministre de l’Économie, du Plan et de l’Intégration régionale, Ludovic Ngatsé, a matérialisé un virage déjà amorcé depuis l’entrée en vigueur du projet en octobre 2023. Le Congo ancre ainsi sa politique de développement dans une logique d’adaptation climatique, articulation devenue centrale au sein des forums multilatéraux. Pour les observateurs, la cérémonie, bien que tardive au regard de l’exécution technique, revêt une valeur symbolique forte : elle confirme que la question climatique n’est plus cantonnée aux marges des stratégies sectorielles mais irrigue désormais la planification nationale.
Genèse stratégique d’un partenariat singulier avec la Banque mondiale
Proclimat Congo s’inscrit dans une dynamique de dialogue constant entre Brazzaville et le Groupe de la Banque mondiale. Conçu à la suite d’un diagnostic de vulnérabilité réalisé conjointement par la BIRD et l’IDA, le programme répond à la nécessité de renforcer la cohésion sociale dans les zones rurales tout en diversifiant l’économie nationale. Selon un cadre du ministère du Plan, « l’approche a privilégié la co-construction avec les communautés afin que les interventions climatiques se traduisent en retombées immédiates sur les revenus ». Cette méthodologie participative est saluée par les partenaires techniques, qui y voient un modèle exportable vers d’autres pays d’Afrique centrale.
Architecture financière : 132 millions USD pour un levier vert
Doté initialement de 82 millions USD – 70 millions de prêt BIRD et 12 millions de don ProGreen – le dispositif a été renforcé par une enveloppe additionnelle de 50 millions USD mobilisée auprès de l’IDA. Ce montage hybride reflète l’évolution des instruments de financement climatique qui combinent prêts concessionnels, subventions et catalyseurs de capitaux privés. Pour la Banque mondiale, il s’agit de maximiser l’effet de levier en alignant les ressources sur l’Agenda 2030 et sur l’Accord de Paris. Côté congolais, l’allocation budgétaire est intégrée au Plan national de développement, gage d’une réelle appropriation institutionnelle.
Des résultats préliminaires avant même le ruban officiel
Depuis 2023, plusieurs chantiers pilotes, inscrits dans la composante consacrée au renforcement des services sociaux, sont déjà opérationnels. Des centres de santé ont été dotés de systèmes photovoltaïques, réduisant la facture énergétique et sécurisant la chaîne du froid vaccinal. Par ailleurs, des groupements de femmes ont reçu des micro-crédits pour la transformation du manioc, activité identifiée comme résiliente aux chocs climatiques. Ferdinand Sosthène Likouka, qui préside le comité de pilotage, souligne que « ces premières actions prouvent que l’équation climat-économie peut être résolue lorsqu’on croise les savoirs locaux et la science ».
Agriculture durable et inclusion : horizons d’un changement structurel
La composante dédiée à l’agriculture, dont le déploiement massif est attendu d’ici la fin de l’année, ambitionne de moderniser les chaînes de valeur vivrières tout en préservant les forêts du Bassin du Congo. Des variétés améliorées de riz inondation seront introduites dans les zones marécageuses, tandis que des pratiques agroécologiques seront promues dans les savanes. L’objectif est double : accroître la sécurité alimentaire et réduire la pression sur les écosystèmes. En parallèle, un mécanisme de paiements pour services environnementaux encouragera les communautés à protéger les mangroves, réservoirs de carbone trop longtemps négligés.
Gouvernance et redevabilité : un dispositif de suivi renforcé
Le gouvernement a instauré une plateforme numérique de reporting qui agrège les données financières, environnementales et sociales. Ce système, hébergé au Centre national de la statistique, permet aux partenaires de suivre en temps réel les indicateurs de performance. La Banque mondiale y voit une garantie de transparence et de bonne gestion des fonds. La société civile, invitée à siéger au sein du comité de suivi, dispose d’un droit d’alerte en cas de dérive, ajoutant ainsi un niveau supplémentaire de redevabilité.
Dimension géopolitique : le Congo mise sur la diplomatie du climat
En positionnant Proclimat comme vitrine nationale, Brazzaville entend renforcer son leadership au sein de la Commission des forêts d’Afrique centrale. À la COP 29, la délégation congolaise mettra en avant les retombées du projet pour réclamer des financements additionnels en faveur des pays à haute couverture forestière. Pour un diplomate africain en poste à Bruxelles, « le Congo démontre qu’il est possible de concilier stabilité politique, ambition verte et partenariat multilatéral ». Cette posture consolide la crédibilité du pays dans les négociations internationales sur le climat.
Cap sur 2028 : de la phase pilote à la résilience systémique
Les prochaines étapes incluent la mise en place d’assurances indexées sur les aléas climatiques et la création d’un incubateur dédié aux technologies vertes. L’objectif final est de toucher 562 000 bénéficiaires directs et de poser les bases d’un marché intérieur de la finance carbone. À l’horizon mars 2028, le gouvernement compte disposer d’outils permettant de pérenniser les acquis au-delà du cycle de financement actuel. En écho à la déclaration du ministre Ngatsé, Proclimat n’est pas « un projet de plus » mais l’ossature d’une nouvelle économie rurale, inclusive et climato-compatible.