Un appel civil bien arrimé aux usages congolais
Réunis les 10 et 11 juillet 2025 à Brazzaville, six réseaux d’ONG fédérés au sein de la Coraged ont exhorté l’État à convoquer, avant mars 2026, une concertation des forces vives. L’initiative, placée sous l’égide du Conseil consultatif de la société civile, s’inscrit dans une tradition désormais codifiée : depuis 2002, chaque grande échéance électorale est précédée d’un dialogue institutionnel, voulu par le président Denis Sassou Nguesso, afin de fixer les règles du jeu et de désamorcer les tensions potentielles.
Stabilité institutionnelle et rappel des garanties régaliennes
Dans leur déclaration, les ONG soulignent la responsabilité régalienne de l’État de « garantir en toutes circonstances la sécurité des personnes et de leurs biens ». Elles rappellent également que les libertés fondamentales, à commencer par la liberté de la presse, constituent la pierre angulaire d’un « Congo réellement démocratique ». Ce rappel, loin d’être un réquisitoire, s’apparente plutôt à un mécanisme de consolidation : il valide les principes déjà inscrits dans la Constitution de 2015 et dans les réformes électorales successives saluées par plusieurs observateurs africains.
Une société civile en quête de normalisation électorale
Les représentants de la Coraged affirment vouloir exorciser les « périodes cauchemardesques » que furent certaines consultations passées, notamment celles du milieu des années 1990. Leur ambition est de transformer l’élection présidentielle en un moment de cohésion nationale, plutôt qu’un épisode de division. Ce discours rejoint la volonté affichée par les autorités de pérenniser les progrès réalisés en matière de paix civile depuis l’Accord de cessez-le-feu de 2003, accord régulièrement cité en exemple dans la Communauté économique des États de l’Afrique centrale.
Le facteur temps : catalyseur d’un consensus minimal
À neuf mois du scrutin, l’appel à la concertation n’est pas qu’une simple exhortation morale ; il constitue un instrument de régulation politique. La programmation anticipée d’un dialogue offre à l’ensemble des partis, majorité comme opposition, le temps nécessaire pour présenter des propositions techniques sur le découpage électoral, la logistique d’acheminement du matériel ou encore la sécurisation cybernétique des résultats. Sur ce dernier point, le gouvernement s’est déjà engagé, lors du Forum panafricain du numérique d’avril 2025, à moderniser le système de compilation afin de réduire tout soupçon de manipulation.
Diplomatie préventive et regard des partenaires extérieurs
Le Congo-Brazzaville est conscient que la crédibilité des prochaines élections pèsera sur ses relations bilatérales, notamment avec l’Union européenne et les institutions financières internationales qui attachent un crédit croissant à la bonne gouvernance. En invitant la société civile à s’impliquer, l’exécutif montre sa disposition à la transparence, gage d’une coopération économique renforcée. Pour nombre de diplomates en poste à Brazzaville, le mécanisme de concertation équivaut à une forme de diplomatie préventive endogène qui évite l’immixtion d’acteurs extérieurs dans l’arbitrage de litiges internes.
Vers un agenda partagé pour la présidentielle
Si la feuille de route proposée par la Coraged reste à préciser, plusieurs axes se dégagent : relecture des textes, audit du corps électoral, formation des agents et sensibilisation citoyenne. Selon Céphas Germain Ewangui, « chacun doit se déterminer en fonction des valeurs intrinsèques de notre pays ». Cet appel à la responsabilité collective résonne avec le discours présidentiel du 15 août 2024, dans lequel Denis Sassou Nguesso plaidait pour des « élections sans peur et sans reproche ».
Une étape décisive pour la maturité démocratique
À l’aube de 2026, le Congo joue une partie de crédibilité institutionnelle dont l’issue influencera l’ensemble de la sous-région. La tenue d’une concertation nationale, loin de retarder le calendrier, pourrait au contraire en être le catalyseur. Elle offrirait une scène où les différends se règlent par la négociation, confortant ainsi la stabilité politique et sécurisant un climat d’affaires déjà porteur. Dans une sous-région parfois chahutée par des transitions heurtées, Brazzaville entend démontrer que la voie du dialogue demeure la plus sûre pour conjuguer continuité de l’action publique et aspiration citoyenne à une gouvernance toujours plus inclusive.