Contexte macro-budgétaire : un début d’exercice sous surveillance internationale
À Dakar, le premier trimestre 2025 a livré un tableau budgétaire contrasté. Les recettes et dons du budget général atteignent 1 027,82 milliards de FCFA, soit 21,44 % des prévisions de la loi de finances initiale. Vue de Bruxelles ou de Washington, la performance intrigue : la trajectoire sénégalaise reste jugée exemplaire dans une région secouée par des chocs politiques récurrents, mais la mécanique interne semble de plus en plus tendue.
La dynamique des recettes internes : moteur fiscal sous haute pression
Les services de la Direction générale des impôts et des domaines ont engrangé 960,26 milliards de recettes fiscales, en progression annuelle de 11,6 %. La taxation de la valeur ajoutée domestique, dopée par la bonne tenue relative du secteur tertiaire, explique l’essentiel de la hausse. « La résilience de notre base fiscale démontre la confiance des opérateurs économiques », assure le ministre des Finances et du Budget, Mamadou Moustapha Bâ. Les recettes non fiscales, souvent moins médiatisées, bondissent de 24,4 % grâce à la révision de certains redevances dans les télécommunications et l’extraction minière.
Dons extérieurs : le baromètre d’une coopération sélective
Les dons ne représentent que 8 milliards de FCFA, soit 3,27 % des prévisions annuelles. La Banque mondiale assure 35 % de ces concours, suivie de l’allemande KfW. Ce volume modeste confirme une tendance observée depuis la crise sanitaire : les bailleurs privilégient les prêts concessionnels et conditionnent plus strictement les dons à l’avancement de réformes structurelles. La diplomatie sénégalaise, traditionnellement agile, devra composer avec cette générosité relative.
Pression sur la dépense : arbitrer sans froisser
Les dépenses ordonnancées culminent à 1 419,45 milliards, dont 1 130,89 milliards de dépenses ordinaires. Le gouvernement a choisi de protéger les subventions à l’énergie et au transport urbain, jugées politiquement sensibles, au détriment d’une exécution plus rapide des investissements publics. « Nous devons éviter tout dérapage social en période pré-électorale », glisse un conseiller de la Primature. L’exécutif surveille donc la masse salariale, qui avoisine déjà 24 % des crédits ouverts.
Service de la dette : le revers d’une stratégie d’emprunt volontariste
Les charges financières atteignent 225,24 milliards de FCFA, en hausse de près de 24 %. La dette intérieure, nourrie par des émissions d’obligations de trésor à court terme, augmente plus vite que la dette extérieure. Les investisseurs régionaux demeurent confiants, mais l’Agence UMOA-Titres rappelle que le coût moyen pondéré grimpe à mesure que la politique monétaire se resserre. Les négociateurs sénégalais tentent de rallonger les maturités pour éviter une concentration des tombées en 2026–2027.
Priorités sociales : éducation et sécurité captent l’essentiel de la masse salariale
Sur 357,07 milliards de dépenses de personnel, plus de 54 % bénéficient à l’éducation et à la formation professionnelle. Le président Bassirou Diomaye Faye y voit une « assurance-jeunesse » face à la démographie galopante. Les forces de défense absorbent 24 %, reflet d’un environnement régional préoccupant, du Sahel au Golfe de Guinée. La santé, pourtant cruciale, se contente de 5,7 %. Les partenaires techniques insistent sur un rééquilibrage si Dakar veut tenir ses engagements en matière de couverture sanitaire universelle.
Investissements publics : des retards techniques qui interrogent
Les dépenses en capital reculent de 42,21 milliards en glissement annuel. Les projets financés sur ressources internes, notamment dans l’agriculture et l’hydraulique, marquent le pas. Les ordonnateurs invoquent la lourdeur des procédures de passation de marché. Pourtant, les bailleurs pointent aussi un début d’autocensure budgétaire, Dakar souhaitant éviter d’alourdir davantage ses déficits avant l’émission envisagée d’un eurobond vert à l’automne.
Perspectives et diplomatie économique : marge de manœuvre réduite mais réelle
Avec un taux d’exécution des recettes de 21,44 % pour le premier quart de l’année, le Trésor sénégalais dispose encore d’une fenêtre pour lisser sa trésorerie. La découverte d’hydrocarbures offshore, dont la production commerciale devrait débuter fin 2025, alimente les anticipations de recettes supplémentaires. Toutefois, les partenaires du G20 rappellent que les revenus pétroliers ne constituent pas une panacée. « Les nouvelles rentes doivent financer la diversification, pas gonfler une dépense courante déjà élevée », avertit un diplomate européen. Dans ce ballet d’intérêts, le Sénégal cherche à maintenir son image de bon élève tout en préservant la cohésion sociale, enjeu cardinal avant les échéances politiques de 2026.