Cap sur une diplomatie économique assumée
Sur les quais bordant l’océan Indien, la poignée de main échangée le 24 juillet à Port-Louis entre Alain Akouala Atipault et Sachin Mohabeer illustre le virage opéré par Brazzaville vers une diplomatie économique offensive. Fidèle à l’orientation arrêtée par le président Denis Sassou Nguesso et mise en musique par le Premier ministre Anatole Collinet Makosso, le Congo ne se limite plus à la traditionnelle promotion de ses hydrocarbures. Il affirme aujourd’hui une stratégie d’ouverture Sud-Sud visant à connecter les initiatives privées congolaises aux plateformes financières, logistiques et technologiques déjà éprouvées de l’Île Maurice, hub reconnu pour sa stabilité réglementaire et sa maîtrise des services à haute valeur ajoutée.
Le MAEP, gage de crédibilité institutionnelle
En sa qualité de président de la Commission nationale d’auto-évaluation du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs, Alain Akouala Atipault a insisté sur l’articulation entre attractivité économique et gouvernance. « La transparence n’est pas un supplément d’âme, elle conditionne aujourd’hui l’arrivée des investisseurs », a-t-il rappelé au siège de l’Economic Development Board. L’inventaire minutieux des réformes engagées à Brazzaville – de la modernisation de la commande publique à la rationalisation des incitations fiscales dans les zones économiques spéciales – vise précisément à garantir aux partenaires insulaires une visibilité juridique sur le long terme, argument souvent décisif dans l’évaluation des risques pays.
Complémentarités sectorielles Congo-Maurice
Les échanges ont rapidement dépassé le registre protocolaire pour s’attarder sur des secteurs porteurs. Dans l’agro-industrie, l’expertise mauricienne en productivité cannière et en valorisation des sous-produits sucriers offre un miroir inspirant aux planteurs de la vallée du Niari engagés dans la diversification post-pétrole. Dans les services financiers, la place de Port-Louis, classée par l’Africa Financial Markets Index dans le peloton de tête continental, pourrait accueillir des véhicules de titrisation destinés à refinancer les infrastructures congolaises. Les technologies de l’information, elles, ouvrent la voie à des partenariats académiques entre l’université Marien-Ngouabi et les incubateurs mauriciens, tandis que la logistique portuaire de Pointe-Noire regarde de près les solutions de traçabilité numérique développées à Port-Louis.
Vers un corridor afro-insulaire durable
À l’heure où les organismes multilatéraux plaident pour la réduction de l’empreinte carbone des échanges, les deux délégations ont exploré la possibilité de coupler la zone économique spéciale de Maloukou au savoir-faire mauricien en matière d’économie bleue et de tourisme responsable. L’idée d’un corridor maritime vert, reliant la côte ouest-africaine à l’archipel, favoriserait la circulation de marchandises à faibles émissions tout en renforçant la sécurité alimentaire régionale. Les discussions ont également porté sur la formation des cadres, Maurice proposant des bourses ciblées dans les métiers du suivi environnemental, afin que les jeunes ingénieurs congolais s’approprient les standards internationaux sans renoncer à leur ancrage local.
Une dynamique régionale appelant la constance
À Port-Louis, aucun protocole additionnel n’a été signé, mais la température de la rencontre indique une convergence de vues que les chancelleries observent avec intérêt. La mission d’Alain Akouala Atipault s’inscrit dans la chronologie des partenariats scellés récemment avec Kigali, Abuja ou Libreville, et participe du repositionnement du Congo au sein de la Zone de libre-échange continentale africaine. La vigilance du chef de l’État à consolider l’axe gouvernance-investissement devrait, selon plusieurs analystes régionaux, conférer à Brazzaville un surcroît de prévisibilité, facteur crucial pour attirer des capitaux patientiels. L’avenir dira si l’ingénierie diplomatique de Port-Louis se traduira par des usines, des lignes maritimes et des emplois, mais la méthode, méthodique et discrète, semble déjà saluée par les principaux bailleurs.
Brazzaville, de l’intention à la matérialisation
En marge de la mission, un membre de la délégation confiait que « le défi n’est plus de convaincre mais de convertir les intentions en projets bancables ». Ce glissement sémantique traduit la maturité nouvelle d’un pays qui, sous l’impulsion présidentielle, revendique sa pleine souveraineté économique tout en cultivant les alliances. Au-delà des signatures et des flashs, la relation Congo-Maurice met en exergue une conviction partagée : l’Afrique peut, par la circulation de ses compétences et de ses capitaux, forger des chaînes de valeur internes suffisamment robustes pour résister aux chocs exogènes. Si Port-Louis constituait hier une destination touristique, elle pourrait devenir demain – pour les industriels et les start-ups congolaises – une boussole, sinon étonnante, du moins résolument pragmatique.