Port-Louis couronne une tournée d’influence africaine
Dans les salons feutrés de la State House de Port-Louis, Jean-Claude Gakosso a clos le 25 juillet une séquence diplomatique entamée quatre jours plus tôt à Luanda. L’Île Maurice, considérée comme la sentinelle économique de l’océan Indien, offrait un écrin symbolique pour cette dernière étape : la géographie insulaire, pivot entre Afrique et Asie, illustrait la volonté congolaise de fédérer au-delà des clivages sous-régionaux autour de la candidature de Firmin Édouard Matoko à la direction générale de l’Unesco.
Reçu par le président mauricien Dhananjay Ramful, le chef de la diplomatie congolaise a remis un message personnel du président Denis Sassou Nguesso appelant à « une solidarité africaine lucide, capable de porter l’expertise de notre continent à la tête des organisations qui façonnent le multilatéralisme ». Selon un conseiller présent lors de l’entretien, la réponse de Port-Louis s’est voulue « ouverte et constructive », signe que la Mauricie entend peser dans le vote prévu au Conseil exécutif de l’Unesco à Paris.
Le pari Matoko, figure de l’expertise multilatérale
Ancien sous-directeur général de l’Unesco chargé de l’Afrique et des relations extérieures, Firmin Édouard Matoko incarne, aux yeux de Brazzaville, une synthèse rare entre expérience institutionnelle et sensibilité panafricaine. Ses partisans rappellent que, pendant près de deux décennies à Paris, il a supervisé la mise en œuvre de programmes dédiés à la sauvegarde du patrimoine, à la promotion de la langue française et au développement des sciences dans les pays du Sud.
« Nous ne venons pas plaider une candidature de circonstance, mais la reconnaissance d’un parcours qui a fait ses preuves », martèle Jean-Claude Gakosso. L’argumentaire congolais insiste sur la continuité des politiques éducatives et culturelles portées par Matoko, mais aussi sur sa capacité à naviguer dans les cercles diplomatiques où s’équilibrent désormais les nouvelles puissances émergentes et les héritiers du multilatéralisme classique.
Une diplomatie de proximité et de messages personnels
Le dispositif déployé cette semaine illustre un choix tactique : privilégier les visites restreintes aux protocoles légers, propices à des échanges directs avec chefs d’État, vice-présidents ou ministres clefs. Derrière chaque escale – Luanda, Windhoek, Gaborone, Maputo puis Port-Louis – la même enveloppe scellée, signée de la main de Denis Sassou Nguesso, a été remise. À Luanda, le président João Lourenço a salué « l’opportunité de faire entendre une voix africaine expérimentée » tandis qu’à Windhoek, la cheffe de l’État namibien, Nangolo Mbumba, a évoqué « la nécessité de revitaliser le système multilatéral par ceux qui le connaissent de l’intérieur ».
Relais ouest-africain sous conduite du Premier ministre
Dès le 27 juillet, la coordination passe au niveau de la Primature. Anatole Collinet Makosso prend la tête d’une seconde vague destinée à consolider les ralliements en Afrique de l’Ouest : Libreville, Abidjan, Abuja, Ouagadougou, Monrovia et Djibouti sont inscrits à l’agenda. La mécanique demeure identique : entretiens en format réduit, rappel de l’attachement congolais à la solidarité interafricaine, et mise en avant d’un candidat dont la trajectoire rassure les chancelleries anglophones comme francophones.
Un diplomate ivoirien confie que « le fait de voir le Premier ministre s’impliquer personnellement traduit le sérieux de la démarche ». À Abuja, l’équipe congolaise compte également sur la sensibilité historique du Nigeria aux questions d’éducation pour dessiner un bloc de soutien susceptible de peser face aux candidatures issues d’autres continents.
Les enjeux d’une voix africaine forte à l’Unesco
Derrière le nom de Matoko se greffe un débat plus large : celui de la place des États africains dans la gouvernance culturelle mondiale. Alors que l’Unesco pilote des dossiers sensibles – restitution des biens culturels, préservation des sites menacés, régulation de l’intelligence artificielle éducative – la perspective d’un directeur général originaire du continent révèlerait, selon Brazzaville, « un multilatéralisme de résultats ». Plusieurs observateurs notent que la campagne congolaise arrive au moment où se négocie la réforme budgétaire de l’Organisation, terrain sur lequel l’expérience administrative de Matoko constitue un atout.
Un test de cohésion continentale avant le verdict de Paris
Les diplomates africains s’accordent à voir dans cette campagne un banc d’essai de l’intégration politique panafricaine. Si l’Union africaine a, dans le passé, endossé des candidatures consensuelles, les fissures demeurent fréquentes lors des scrutins internationaux. Brazzaville espère qu’en cristallisant un soutien majoritaire, la cause Matoko montrera que la communion des intérêts culturels peut préfigurer une voix africaine unifiée dans d’autres enceintes onusiennes. Le Conseil exécutif de l’Unesco se prononcera à l’automne 2025 ; d’ici là, la diplomatie congolaise entend « maintenir la pression douce », persuadée qu’un lobbying feutré mais constant lève souvent les hésitations de dernière minute.