Une demande stratégique des jeunes du Pool
Réunis à Kinkala sous la bannière de la Coalition des associations unies pour la paix et le développement du Congo, de jeunes leaders du Pool ont formulé une requête à haute portée symbolique : voir leur territoire bénéficier, à son tour, du programme des Zones agricoles protégées initié par le chef de l’État. Dans une déclaration adoptée à l’unanimité, le vice-président de la Coalition, Fiston Mathat, a salué « un instrument éprouvé de résilience économique » et appelé, avec déférence, à « l’indulgence présidentielle pour accélérer l’implantation de ce dispositif attendu de toute une génération ». Le message, relayé par plusieurs radios communautaires, s’inscrit dans un contexte où la jeunesse cherche à s’émanciper de l’héritage conflictuel qui a frappé la région à la fin des années 1990.
Les ZAP, levier national d’autonomisation rurale
Lancé en 2020, le concept des Zones agricoles protégées vise à sécuriser des périmètres fonciers, à y garantir l’accès aux intrants, ainsi qu’une chaîne logistique et financière encadrée par l’État et ses partenaires techniques. Selon les données du ministère de l’Agriculture, plus de quinze mille emplois directs auraient déjà été créés dans les localités pionnières du Plateau des Bateke et de la Cuvette, où la production vivrière affiche des hausses à deux chiffres.
Pour les analystes, la formule combine habilement incitation à l’investissement et prévisibilité foncière, deux conditions rarement réunies dans les zones rurales d’Afrique centrale. La Banque africaine de développement relève, dans une note publiée à Brazzaville, que ce type d’initiative « favorise l’absorption de la main-d’œuvre jeune, tout en réduisant les pressions migratoires vers les capitales ». La perspective d’un effet similaire dans le Pool conforte la pertinence de la requête portée par la Coalition.
Consolider la paix par la relance économique
Le département du Pool, dont les cicatrices des crises successives demeurent visibles dans les villages de Mayama ou Vindza, voit dans l’agro-business encadré un vecteur de pacification durable. « Les armes se taisent lorsqu’un hectare de manioc rapporte plus qu’un fusil », confie un notable de Kindamba, témoin du retour progressif des déplacés internes vers leurs terres. Les autorités administratives soulignent que le désœuvrement des jeunes constitue encore un facteur de vulnérabilité, d’où l’urgence d’ouvrir des perspectives économiques crédibles.
La logique de reconstruction post-conflit adoptée par Brazzaville mise prioritairement sur la réhabilitation des infrastructures agricoles et la réintégration socio-professionnelle des ex-combattants. Dans cet esprit, l’implantation d’une ZAP offrirait un cadre structuré aux projets de coopératives semencières ou d’élevage, déjà identifiés par le Programme désarmement-démobilisation-réinsertion. Le Haut-Commissariat à la réinsertion estime que le potentiel productif du Pool pourrait couvrir, à moyen terme, 25 % des besoins en tubercules de l’ensemble du pays.
Soutiens politiques et convergences diplomatiques
La démarche de la Coalition ne s’enferme pas dans le seul registre socio-économique ; elle s’inscrit également dans une dynamique de loyauté institutionnelle. Le mouvement a publiquement réaffirmé son « soutien indéfectible » au président Denis Sassou Nguesso et a annoncé sa volonté de travailler de concert avec le réseau Patriarche et d’autres organisations citoyennes partageant la même vision de développement inclusif. Observateurs et diplomates en poste à Brazzaville voient dans cette synergie un indicateur positif de maturité politique, rare dans des contextes post-conflit où les fractures restent souvent instrumentalisées.
A l’échelle régionale, le renforcement de la sécurité alimentaire dans le Pool pourrait aussi réduire la dépendance de la capitale en produits importés, contribuant ainsi à l’équilibre des échanges sous-régionaux. Plusieurs institutions spécialisées des Nations unies suivent de près le dossier, y voyant un laboratoire applicable aux provinces fragiles de la sous-région du Golfe de Guinée.
Perspectives régionales et enjeux de 2026
Au-delà de la requête immédiate, la Coalition projette déjà l’échéance présidentielle de 2026, annonçant une mobilisation « multiforme » pour soutenir la continuité de la politique agro-industrielle engagée. Dans un pays où la stabilité institutionnelle demeure un atout diplomatique majeur, cette déclaration est perçue comme un signal de confiance envoyé aux bailleurs internationaux. Les partenaires techniques notent que la prévisibilité du cadre politique est cruciale pour garantir la rentabilité des investissements agricoles, dont la maturation excède souvent un quinquennat.
Si le gouvernement répond favorablement à l’appel du Pool, l’expérience pourrait accélérer la cartographie de nouvelles ZAP dans la Sangha ou la Bouenza, esquissant un maillage agro-industriel national cohérent. En attendant, les jeunes cultivent déjà des pépinières symboliques, persuadés que la terre, une fois protégée, devient l’alpha et l’oméga d’une paix durable. Ils inscrivent leur démarche dans une logique résolument constructive, où l’espérance germe au rythme des saisons plus qu’au vacarme des replis identitaires.