Un département en convalescence
Six ans après l’accord de paix de Kinkala, signé le 23 décembre 2017, le département du Pool panse toujours les blessures des conflits ayant marqué la période 1997-2017. Entre routes dégradées, villages désertés et jeunesse en attente de perspectives, la reconstruction reste le grand chantier national.
Des routes stratégiques fragilisées
Le réseau routier, autrefois présenté comme la colonne vertébrale économique du Pool, illustre les défis. De Nganga-Lingolo à Linzolo, l’ancien ruban d’asphalte cède désormais la place à des ornières profondes où seuls les 4×4 s’aventurent, rallongeant les temps de trajet et les coûts logistiques.
La voie Kinkala-Boko, vitale pour relier Brazzaville aux terres agricoles, voit son bitume se fragmenter par endroits, tandis que des herbes hautes rétrécissent la chaussée. Faute de cantonniers réguliers, l’entretien reste sporadique malgré les visites techniques effectuées l’an dernier par le ministère.
Plus au sud, le tronçon Kinkala-Ngambari-Mindouli, dont les travaux avaient bénéficié d’un financement européen, attend une relance complète. La décision de redémarrer le chantier a été évoquée en Conseil des ministres, confirmée par une mission d’évaluation, mais la reprise effective dépend encore de validations budgétaires.
Seule éclaircie notée, le lancement en août 2025 des travaux Mindouli-Kindamba, salué par le ministre Juste-Désiré Mondélé. Les engins circulent déjà, et les premières couches de latérite rassurent les commerçants. Reste la bretelle Kinkala-Matoumbou, toujours absente des priorités inscrites au calendrier officiel.
Initiatives de l’État et partenaires
Conscient des attentes, le gouvernement a retenu le Pool dans son Programme national de développement 2022-2026. Les projets listés portent sur la réhabilitation de 200 kilomètres de routes départementales, la construction de deux ponts modulaires et l’ouverture de guichets agricoles visant à relancer la production vivrière.
Le Fonds des Nations unies pour l’enfance appuie la remise en service de quarante écoles. Déjà vingt bâtiments ont rouvert, équipés de bancs et de kits pédagogiques. «Nos priorités demeurent l’accès à l’éducation et à l’eau», explique une coordinatrice locale, soulignant les progrès obtenus depuis 2021.
Sur le front sanitaire, le centre de santé intégré de Vinza a reçu du matériel de télémédecine fourni par la coopération chinoise. Connecté au CHU de Brazzaville, l’établissement réduit les évacuations coûteuses. L’ONG Alima forme simultanément vingt infirmiers titulaires à la gestion des urgences pédiatriques.
Diaspora et capital humain
Si l’État impulse, la mobilisation citoyenne complète l’équation. Dans une lettre virale, Mbuta Morel Ntalani appelle la diaspora à «un sursaut patriotique» pour sauver villages et emplois. Ce message, largement relayé sur WhatsApp, sert d’électrochoc bienvenu pour nombre de cadres originaires du Pool.
Plusieurs entrepreneurs de Pointe-Noire se disent prêts à réinvestir. L’un d’eux, expert en agro-transformation, envisage une unité de séchage de manioc à Mindouli, projet susceptible de créer cinquante postes directs. Des facilitateurs administratifs ont déjà identifié un terrain sécurisé et obtenu un raccordement électrique.
Dans le secteur numérique, l’incubateur O’Tech a inscrit dix jeunes du département à son programme de formation en développement mobile. Les boursiers recevront une connexion subventionnée par Congo Télécom. À terme, le centre veut accompagner des applications destinées au suivi des récoltes et à l’e-commerce.
Réinsertion et paix durable
La consolidation de la paix demeure le socle. La Commission nationale de démobilisation et de réinsertion a réactivé en avril son programme d’accompagnement des ex-combattants. Trois cents bénéficiaires suivent déjà des ateliers de menuiserie, d’apiculture ou de mécanique, assortis d’allocations transitoires destinées à stabiliser les parcours.
Le gouvernorat juge ces efforts encourageants. «La sécurité s’améliore et les marchés hebdomadaires reprennent», observe un responsable préfectoral. Néanmoins, la Commission ad’hoc mixte, suspendue en 2022, n’a pas encore repris ses patrouilles conjointes. Des discussions sont en cours pour activer ce mécanisme de confiance.
Vers un nouvel élan économique
Les potentialités naturelles du Pool, des plaines céréalières de Boko aux chutes de Loufoulakari, peuvent soutenir un tourisme vert naissant. L’office national du tourisme prépare un plan promotionnel ciblant la diaspora, avec des circuits week-end depuis Brazzaville et la rénovation de trois lodges communautaires.
Pour attirer l’investissement privé, la Banque postale du Congo teste une ligne de crédit à taux préférentiel dédiée aux PME du Pool. L’objectif est de financer cent projets d’ici 2026, prioritairement dans l’agro-alimentaire, l’artisanat et les services numériques, avec une garantie partielle de l’État.
Analystes et habitants s’accordent : la réussite du redressement reposera sur l’alignement des initiatives publiques, des financements extérieurs et de l’engagement communautaire. Comme le résume un enseignant de Kinkala, «nous voulons passer du discours de compassion à la réalité de la croissance partagée».
À moyen terme, la réhabilitation des routes, le renforcement social et la paix consolidée pourraient redonner au Pool sa place de locomotive régionale évoquée jadis. Les signaux, bien que modestes, témoignent d’une dynamique en marche qu’il appartient à tous de soutenir et amplifier. Le cap est ambitieux.
