Archipel vaccinal au cœur du bassin du Congo
Depuis que l’Organisation mondiale de la santé a placé l’Afrique dans la phase finale de l’éradication de la poliomyélite, Brazzaville poursuit un objectif clair : transformer la rémission régionale en disparition définitive du poliovirus sauvage. Cette ambition, réaffirmée lors du Comité national de coordination en mars 2025, se fonde sur un taux de couverture vaccinale passé de 68 % en 2018 à 82 % en 2024 selon le ministère de la Santé. Dans un espace géographique dense où la mobilité transfrontalière reste intense, la République du Congo se veut pivot de la ceinture immunitaire autour du bassin du Congo.
Volonté politique et diplomatie sanitaire
Le chef de l’État, Denis Sassou Nguesso, a souligné lors de la Semaine africaine de la vaccination que « l’immunisation est l’expression moderne de la souveraineté sanitaire ». Sous son égide, la Loi d’orientation sanitaire de 2023 attribue aux préfets l’obligation de déclarer prioritaire toute campagne de rattrapage. Cette articulation entre autorité centrale et déconcentration territoriale illustre une approche de gouvernance où l’agenda vaccinal devient un instrument de stabilité domestique et de rayonnement diplomatique, notamment auprès de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale.
Financement international et transparence budgétaire
Le partenariat triennal signé avec Gavi, la Banque mondiale et l’UNICEF octroie 48 millions de dollars pour la période 2023-2026. Brazzaville s’est engagée à un cofinancement national couvrant 35 % des dépenses, un ratio salué par les bailleurs comme gage de responsabilité partagée. Le Trésor public publie désormais un rapport trimestriel, consultable au Parlement, détaillant le flux des fonds vaccinaux. Cette transparence, rare dans la sous-région, nourrit la confiance des partenaires techniques et financiers tout en consolidant l’image d’un exécutif soucieux d’orthodoxie.
Chaîne du froid : défis opérationnels
Le relief accidenté du Mayombe et l’étendue du département de la Sangha complexifient l’acheminement des doses. L’acquisition de 220 réfrigérateurs solaires par l’État, complétée par des drones de transport léger testés à Ouesso, témoigne d’une stratégie mêlant innovation et pragmatisme. Les autorités misent sur la plateforme numérique « e-Froid » pour géolocaliser les pannes et déclencher des interventions sous 24 heures. Le taux de rupture d’approvisionnement, estimé à 11 % en 2021, est descendu à 4,5 % fin 2024, un indicateur encourageant pour les experts de l’OMS.
Adhésion communautaire et lutte contre la désinformation
Si la logistique constitue la charpente, la confiance citoyenne en est le ciment. Des leaders religieux ont été associés aux messages radiophoniques en langues locales, un dispositif qui a doublé l’affluence dans les antennes de vaccination itinérantes à Sibiti. Face aux rumeurs liant vaccins et stérilité diffusées sur certaines messageries, le Conseil supérieur de la liberté de communication a instauré une cellule de veille qui collabore avec les plateformes numériques pour labelliser les contenus vérifiés. Cette diplomatie de proximité, jugée exemplaire par l’Union africaine, apparaît décisive pour neutraliser les réticences.
Vers une surveillance intégrée des maladies émergentes
Au-delà de la polio, le Plan stratégique 2025-2030 intègre rougeole, tétanos néonatal et fièvre jaune dans une matrice de surveillance unique. Brazzaville entend mutualiser ses laboratoires de biologie moléculaire, modernisés grâce à un accord passé avec le Centre Pasteur du Cameroun, et créer un registre électronique des pathogènes circulants. Ce virage vers la santé globale aligne la République du Congo sur l’Agenda 2063 de l’Union africaine tout en lui conférant une voix crédible dans les forums multilatéraux. Les diplomates à Genève notent que la posture proactive du pays pourrait modeler les prochaines résolutions de l’Assemblée mondiale de la santé.