Un géant des mers à Pointe-Noire
Le 22 octobre, le Maersk Halifax, long de 368 mètres et large de 54, a mouillé ses amarres au Port autonome de Pointe-Noire. Cette unité peut transporter 15 690 conteneurs standards, un record pour la plateforme congolaise qui signe une arrivée historique.
Congo Terminal, filiale d’Africa Global Logistics et concessionnaire depuis 2009, a orchestré l’accostage grâce à des grues de dernière génération et à un pilotage millimétré. L’opération illustre la modernisation constante du site pour suivre l’évolution rapide des routes maritimes.
Un jalon pour la compétitivité portuaire
Pour les autorités portuaires, l’escale du géant constitue un saut qualitatif. Elle démontre que Pointe-Noire peut désormais rivaliser avec les hubs du Golfe de Guinée capables de recevoir des navires au-delà des 14 000 EVP, segment privilégié des armateurs internationaux.
« L’accueil du Maersk Halifax est une fierté collective et une preuve de notre capacité d’adaptation », souligne Christel Anga, Exécution Manager à Congo Terminal, évoquant un travail d’équipe entre pilotes, lamaneurs, manutentionnaires et cadres techniques.
Une logistique en pleine mutation
Le passage à des porte-conteneurs de nouvelle génération impacte toute la chaîne logistique. Temps d’escale, cadencement des trains de conteneurs et stockage sur le parc sont recalibrés pour absorber des volumes plus denses, sans ralentir les flux d’importation ni les réexpéditions sous-régionales.
Selon le service commercial, chaque arrivée de plus de 15 000 EVP libère un potentiel de 10 000 mouvements de camions sur une semaine, d’où l’importance d’outils digitaux pour fluidifier la prise de rendez-vous et le suivi en temps réel des boîtes.
Investissements et retombées économiques
Depuis 2009, 350 millions d’euros ont été investis dans le terminal. Grues portiques neuves, quai allongé à 1 500 mètres et dragage constant portent la capacité annuelle à environ 1,3 million d’EVP, stimulant l’économie maritime régionale.
Les transitaires locaux notent une hausse des volumes de transbordement vers le Gabon, l’Angola et le Cameroun. « Les conteneurs arrivent plus vite et en plus grand nombre, ce qui réduit nos coûts unitaires », confie un responsable logistique basé à Pointe-Noire.
Formation et emploi local
Au-delà des équipements, Congo Terminal mise sur le capital humain. Plus de 2 000 agents ont suivi des modules certifiants en manutention lourde, sécurité portuaire et maintenance électronique, souvent dispensés en partenariat avec l’Institut maritime du Congo.
Ces formations ouvrent des perspectives aux jeunes techniciens du Kouilou, lesquels accèdent à des postes qualifiés sans devoir s’expatrier. Les syndicats saluent la montée en compétences locale, estimant qu’elle ancre durablement la main-d’œuvre dans le tissu économique national.
Perspectives avec le Môle Est
Le prochain chantier majeur se situe au Môle Est, où une plateforme de 27 hectares sort progressivement du sable. Prévue pour 2027, elle pourra accueillir des navires de plus de 20 000 EVP, classant Pointe-Noire parmi les rares ports africains ultra-profonds.
L’extension comptera un quai linéaire de 800 mètres, un tirant d’eau de 16,5 mètres et des portiques capables de toucher vingt-quatre rangées de conteneurs. Cette montée en puissance vise à sécuriser des lignes directes entre l’Asie, l’Europe et la façade atlantique.
Modernisation des procédures douanières
En parallèle, la Direction générale des douanes teste un guichet unique numérique pour accélérer le dédouanement. L’objectif est de ramener le délai moyen de sortie d’un conteneur à moins de vingt-quatre heures, en s’appuyant sur la déclaration anticipée et le paiement électronique sécurisé.
Un comité de suivi, réunissant opérateurs et administration, évalue les premiers gains.
Paroles d’experts et d’usagers
Pour Landry Bemba, analyste maritime consulté à Brazzaville, l’arrivée du Maersk Halifax illustre « la stratégie de densification des escales plutôt que leur multiplication ». Selon lui, les chargeurs y gagnent en régularité tandis que le port optimise ses coûts fixes.
Côté chauffeurs routiers, la prudence demeure. Certains expriment la crainte de files d’attente plus longues aux portes sud du terminal. La direction technique assure qu’un plan de circulation, couplé à une extension du parking camion, sera opérationnel avant la prochaine haute saison.
Les autorités municipales soulignent l’opportunité de renforcer les dessertes ferroviaires CFCO pour soulager la voirie urbaine. Une étude conjointe avec le ministère des Transports vise à doubler, d’ici trois ans, la fréquence des trains de marchandises vers Brazzaville.
Sur le plan environnemental, Congo Terminal assure respecter les nouveaux standards de l’Organisation maritime internationale. Les opérations nocturnes utilisent un éclairage LED basse consommation et les moteurs auxiliaires des portiques sont progressivement convertis à l’électricité verte fournie par la centrale hydroélectrique du Kouilou.
Un horizon portuaire redessiné
Pointe-Noire consolide ainsi sa vocation de hub atlantique incontournable. En s’ouvrant aux plus grands porte-conteneurs, le port diversifie ses trafics, augmente la compétitivité du corridor Congo-Afrique centrale et contribue à la stratégie de diversification économique impulsée par les autorités nationales.
L’amarrage du Maersk Halifax n’est donc pas un simple fait d’escale. Il symbolise une montée en gamme qui devrait se confirmer avec le Môle Est, plaçant le Congo-Brazzaville sur la carte des plateformes capables d’absorber la croissance soutenue du commerce mondial.
