Un jumelage scellé sous le signe de la diplomatie décentralisée
Le 4 juillet dernier, à l’ombre des manguiers de la capitale économique congolaise, le maire de Pointe-Noire, Évelyne Tchichelle, et son homologue guadeloupéen, Camille Elisabeth, ont paraphé un accord de jumelage qualifié d’historique. L’initiative, saluée par le président du Sénat Pierre Ngolo, épouse la logique contemporaine d’une diplomatie décentralisée où les collectivités s’érigent en acteurs majeurs de la coopération internationale.
En recevant au Palais du Sénat la délégation antillaise, Pierre Ngolo a rappelé que la Chambre haute entendait « donner du crédit à l’action publique » en veillant à ce que les retombées du partenariat soient tangibles pour les citoyens des deux rives de l’Atlantique. L’alliance, inscrite dans le cadre plus large des stratégies sud-sud promues par Brazzaville, participe à la diversification des vecteurs de l’influence congolaise sans jamais se substituer aux canaux diplomatiques classiques.
Un pont mémoriel entre les rives de l’Atlantique
Si la dimension administrative du jumelage occupe les gros titres, son socle demeure la mémoire partagée. La toponymie identique des deux cités rappelle les itinéraires entremêlés de l’histoire transatlantique. « Le tourisme mémoriel se développe énormément en Guadeloupe », confie Camille Elisabeth, persuadé que la quête identitaire des Afro-descendants trouvera un nouvel élan dans les ruelles sablonneuses de la Pointe-Noire congolaise.
Cette passerelle symbolique sert également d’antidote à l’oubli. La volonté de « reconnecter les populations à leurs racines » rejoint les programmes patrimoniaux soutenus par l’UNESCO et par l’Union africaine. Pour Brazzaville, il s’agit de transformer une histoire douloureuse en moteur de résilience collective, tout en valorisant les sites de mémoire côtiers susceptibles d’attirer un tourisme cultivé, en quête d’authenticité.
Vers une relance artisanale et touristique partagée
Au-delà du devoir de mémoire, les deux municipalités misent sur l’artisanat comme vecteur de croissance inclusive. « Nos ancêtres maîtrisaient des savoir-faire aujourd’hui menacés par le modernisme », regrette le maire guadeloupéen. Sculptures sur bois précieux, vannerie et teintures naturelles comptent parmi les métiers envisagés pour des programmes de formation croisée, soutenus par les chambres consulaires et l’Agence congolaise de l’artisanat.
Le secteur touristique, qui représente déjà près de 10 % du PIB guadeloupéen, offre un réservoir d’expériences pour la Pointe-Noire africaine, en plein essor portuaire. Les opérateurs hôteliers y perçoivent l’opportunité d’un produit original combinant plages de l’Atlantique, excursions fluviales sur le Kouilou et circuits patrimoniaux. L’établissement d’un calendrier culturel commun, incluant festivals de musiques créoles et congolaises, devrait consolider la fréquentation tout au long de l’année.
Les perspectives économiques d’une coopération sud-sud renouvelée
L’accord consacre un changement d’échelle pour les collectivités africaines qui, longtemps, ont vu les financements circuler surtout sur l’axe nord-sud. En mobilisant des mécanismes de co-investissement et l’appui technique de la Banque de développement des Caraïbes, les deux Pointe-Noire espèrent lever des fonds dédiés à la rénovation des infrastructures portuaires légères et à la création d’incubateurs pour jeunes entrepreneurs.
Du côté congolais, l’initiative complète la stratégie de diversification énoncée dans le Plan national de développement 2022-2026, qui cible le renforcement des chaînes de valeur locales. La complémentarité logistique promise par le port en eau profonde de Pointe-Noire et par le hub aérien guadeloupéen pourrait, à terme, ouvrir un corridor de commerce triangulaire fondé cette fois sur l’échange équitable de biens manufacturés, de services numériques et de compétences.
Un instrument de rayonnement pour la diplomatie congolaise
Pour Brazzaville, le jumelage s’inscrit dans une doctrine de rayonnement où le dialogue culturel sert d’avant-garde au dialogue politique. La présence du président du Sénat, deuxième personnage de l’État, illustre l’importance accordée à cette diplomatie des territoires, appelée à compléter l’action traditionnelle du ministère des Affaires étrangères.
À l’heure où le bassin du Golfe de Guinée fait face à des défis sécuritaires et climatiques, l’image d’un Congo tourné vers la coopération et la mémoire partagée renforce la crédibilité du pays sur la scène internationale. La parole de Pierre Ngolo valait donc engagement : « Au-delà des discours, nous veillerons à ce que chaque citoyen perçoive les dividendes de cette fraternité réinventée. » Le message résonne comme une promesse de développement inclusif, ancrée dans la constance diplomatique du président Denis Sassou Nguesso, artisan d’un multilatéralisme attentif aux aspirations locales.