Un géant des mers à Pointe-Noire
Lundi à l’aube, le porte-conteneurs Maersk Halifax a franchi la passe du port autonome de Pointe-Noire sous les applaudissements des équipes de Congo Terminal. Long de 368 mètres pour 54 mètres de large, ce géant peut embarquer 15 690 équivalents vingt pieds, un record national.
Jamais un bâtiment de cette taille n’avait encore accosté au Congo-Brazzaville. La réussite de l’opération confirme la montée en puissance du terminal, déjà classé hub régional par plusieurs armateurs et passage obligé pour les marchandises à destination de l’Afrique centrale.
Investissements massifs depuis 2009
Le franchissement de ce seuil symbolique s’explique par les 350 millions d’euros investis depuis 2009 par Congo Terminal, filiale d’Africa Global Logistics. Pistes renforcées, portiques de quai surdimensionnés, dragage récurrent et systèmes numériques de suivi du trafic composent désormais l’arsenal technique du site.
« Nous continuons d’améliorer la productivité pour accompagner l’évolution des navires, explique Christel Anga, Execution Manager. Accueillir le Maersk Halifax prouve que la vision partagée avec les autorités portuaires porte déjà ses fruits ». La planification avait débuté des mois auparavant.
Un gain stratégique pour la chaîne logistique nationale
Le passage d’un navire de 15 690 EVP abaisse le coût unitaire du transport maritime, car davantage de conteneurs arrivent simultanément. Les importateurs congolais y voient une opportunité pour réduire les délais d’acheminement des denrées alimentaires, des matériaux de construction et des équipements industriels.
Du côté des exportations, le trafic de cuivre du Haut-Katanga transitant par Pointe-Noire pourrait croître, tout comme les volumes de bois débités et de produits pétroliers raffinés. Les opérateurs anticipent ainsi une meilleure régularité des services et une fréquence accrue des escales géantes.
Des retombées économiques locales
Chaque escale de méga-porte-conteneurs génère des recettes pour le port, mais aussi pour l’écosystème local : manutentionnaires, transitaires, transporteurs routiers, hôtellerie et restauration. D’après la Chambre de commerce de Pointe-Noire, les hôtels du centre-ville affichent complet à chaque arrivée d’équipage.
Le Syndicat des transporteurs estime qu’une escale de ce tonnage représente plus de 600 trajets de camions entre le terminal et la zone économique spéciale de Maloukou. Les chauffeurs recrutés temporairement voient leur rémunération grimper, ce qui irrigue ensuite le commerce de détail urbain.
Cap vers 2027 : le Môle Est se précise
Pour pérenniser cette dynamique, AGL construit une plateforme au Môle Est, dotée de postes d’amarrage pouvant accueillir 20 000 EVP et plus. Les travaux, lancés en 2023, avancent conformément au calendrier officiel, avec un taux d’avancement évalué à 28 % fin janvier.
Selon la direction générale du port, l’entrée en service en 2027 permettra de hisser Pointe-Noire au rang des rares hubs africains capables de recevoir les nouveaux navires de la classe Triple-E. Un prolongement de digue est également à l’étude pour sécuriser la navigation.
Formation et emploi, un pari sur les talents
Outre les infrastructures, Congo Terminal investit dans le capital humain. Plus de 1 400 agents ont reçu des certifications internationales en opérations portuaires, sécurité et maintenance. Des simulateurs 3D permettent désormais de former les pilotes de grues sans interrompre la cadence sur les quais.
Ayant débuté comme cariste, Marc Loubaki supervise aujourd’hui la zone de stockage B. « Les promotions internes montrent que le port grandit avec ses salariés », affirme-t-il, saluant la coopération étroite entre le ministère des Transports, l’Institut national de formation maritime et AGL.
Des standards environnementaux rehaussés
Le terminal s’est doté l’an dernier de quatre portiques hybrides réduisant de 40 % la consommation de diesel. Un plan de sobriété énergétique prévoit également l’installation de panneaux photovoltaïques sur les hangars et la récupération des eaux pluviales pour le lavage des engins.
D’après l’Agence congolaise de la transition écologique, ces initiatives s’inscrivent dans les engagements climatiques du pays et favorisent l’obtention de nouvelles lignes de financement vertes. Les études d’impact du Môle Est retiennent ainsi des brise-lames végétalisés pour protéger la mangrove adjacente.
Réactions des opérateurs maritimes
L’Association professionnelle des armateurs d’Afrique centrale se félicite de cette « montée en gamme attendue ». Son secrétaire général, Gervais Massamba, rappelle que « le renforcement du corridor Pointe-Noire-Brazzaville-Kinshasa contribuera à fluidifier les échanges et à attirer des flux aujourd’hui captés par Walvis Bay ».
Cependant, certains transitaires demandent de nouvelles aires de froid pour mieux traiter les produits périssables. Congo Terminal signale avoir lancé un appel d’offres pour ajouter 600 prises reefer d’ici la fin de l’année, portant la capacité totale à 2 400 conteneurs réfrigérés.
Une étape charnière pour l’économie congolaise
En accueillant le Maersk Halifax, Pointe-Noire confirme son statut de porte d’entrée stratégique pour la sous-région. Cette performance logistique s’aligne sur les priorités du Plan national de développement 2022-2026, qui mise sur la modernisation des corridors pour diversifier l’économie et créer des emplois durables.
Perspectives numériques et automatisation
La prochaine étape portera sur la digitalisation complète. Un portail client ouvrira au second semestre pour réserver les créneaux, payer les droits et suivre les conteneurs en direct. Objectif : ramener l’attente des camions à moins de deux heures.
Un projet pilote d’engins autonomes est également étudié avec un constructeur asiatique. Ces véhicules électriques transféreraient les boîtes du quai vers le parc, réduisant les accidents et les émissions. Les premiers essais sont prévus en 2025.
