Un dispositif d’attraction des capitaux scruté par les députés
Depuis leur introduction en 2003, les conventions d’établissement constituent l’un des outils privilégiés de la République du Congo pour capter l’investissement direct étranger. Elles offrent aux entreprises, pour une durée pouvant atteindre quinze ans, un bouquet d’avantages allant de l’exonération de droits de douane sur les équipements productifs à un régime préférentiel de l’impôt sur les sociétés. Conduite par le vice-président Thiérry Hobié, la récente mission parlementaire à Pointe-Noire s’est penchée sur l’impact réel de ces incitations afin d’en dresser le bilan en termes de recettes publiques et de retombées sociales.
Le coût budgétaire des exonérations, un paramètre central
Selon les estimations internes au ministère des Finances, la dépense fiscale associée aux conventions atteindrait 1,2 % du PIB, un niveau comparable à la moyenne d’Afrique centrale. Pour M. Hobié, « il est légitime de mesurer si chaque franc de recette différée se traduit par un multiplicateur de croissance tangible ». Les services des Impôts et des Douanes, présents à la rencontre, ont présenté des chiffres montrant que les entreprises conventionnées contribuent déjà à hauteur de 22 % aux exportations hors pétrole. Reste que l’administration souhaite affiner le suivi pour s’assurer que l’avantage fiscal ne se transforme pas en simple puits sans contrepartie.
Planification de l’emploi national, un engagement encore perfectible
Au cœur des échanges a résonné la question de l’emploi des nationaux, priorité fixée par le président Denis Sassou Nguesso depuis la proclamation de « l’année de la jeunesse » en 2023. Les conventions imposent aux entreprises signataires un plan d’embauche certifié par les services techniques. Or, sur la cinquantaine de dossiers examinés à Pointe-Noire, seule une minorité avait fait viser son plan par les organes compétents. « Nous ne sommes pas dans une logique de sanction, mais dans celle de l’accompagnement », a nuancé un cadre de la Direction générale du Travail, rappelant que la pandémie avait perturbé plusieurs calendriers de recrutement.
Dialogue public-privé renforcé pour une conformité partagée
Consciente qu’un contrôle intransigeant pourrait décourager l’initiative privée, la commission Écofin privilégie le dialogue. Elle a invité les patrons locaux à signaler toute difficulté administrative freinant la certification des plans ou l’obtention des permis de travail. Les représentants de la Chambre de commerce ont, pour leur part, salué « la disponibilité nouvelle » des députés, notant qu’un guichet unique est désormais envisagé pour centraliser les diligences liées aux conventions. Une manière de réduire le coût de transaction sans renoncer à l’exigence de résultats.
Vers une traçabilité accrue des retombées socio-économiques
Les élus souhaitent également moderniser les outils de reporting. Un projet de plateforme numérique, adossé au ministère du Plan, permettra aux entreprises de télé-déclarer leurs investissements, leurs emplois créés et le montant des exonérations effectivement perçues. L’interface, en phase pilote, devrait faciliter la production d’indicateurs consolidés et réduire les marges d’erreur dans l’évaluation de la dépense fiscale. Pour le cabinet d’audit KMF, sollicité comme expert, « la transparence ainsi obtenue renforcera la crédibilité de la politique congolaise d’attractivité, facteur clé pour les bailleurs multilatéraux ».
La jeunesse au cœur de la stratégie présidentielle
Promouvoir 100 000 emplois durables pour les jeunes demeure l’axe directeur de l’exécutif. À Pointe-Noire, où la démographie galopante alimente une demande d’emplois qualifiés, les grandes sociétés minières et logistiques se voient incitées à développer des programmes de formation duale. Un protocole signé avec l’Institut national polytechnique Félix-Eboué prévoit la mise à disposition d’ateliers-école financés à 60 % par les titulaires de conventions. Cette approche partenariale s’inscrit dans la dynamique de développement du capital humain défendue par le Plan national de développement 2022-2026.
Régionalisation des contrôles : le cas spécifique de Pointe-Noire
La capitale économique concentre près des deux tiers des entreprises conventionnées, en raison de son port en eaux profondes et de sa proximité avec les gisements pétroliers offshore. Pour limiter les déplacements coûteux depuis Brazzaville, la commission Écofin envisage d’y installer une antenne permanente. Les équipes mixtes — parlementaires, Douanes, Impôts, Travail — pourraient ainsi conduire des vérifications in situ et fournir des recommandations en temps réel, dans un climat de collaboration plutôt que de coercition.
Quel horizon pour les conventions d’établissement ?
Au terme de leur mission, les députés dresseront un rapport qui alimentera la session budgétaire de l’automne. Les premières conclusions s’orientent vers un maintien du dispositif, tout en introduisant des clauses de revoyure tous les trois ans afin d’ajuster le niveau d’exonération aux performances sociales. Cette flexibilité devrait permettre de soutenir la compétitivité du Congo-Brazzaville sans compromettre son effort de mobilisation des recettes intérieures, une exigence réaffirmée par les partenaires techniques et financiers. Comme l’a résumé un économiste de l’Université Marien-Ngouabi, « l’enjeu est de transformer l’avantage fiscal en passerelle durable vers l’inclusion professionnelle des jeunes Congolais ». Dans un contexte régional concurrentiel, la démarche de Pointe-Noire pourrait ainsi devenir un modèle d’équilibre entre attractivité et responsabilité.