Un diagnostic social devenu matrice d’action
Au sud-ouest du Congo-Brazzaville, la capitale économique Pointe-Noire s’impose comme un laboratoire d’ingénierie sociale. Depuis plusieurs mois, les équipes du Projet de protection sociale et d’inclusion productive des jeunes sillonnent les quartiers populaires, couplant enquêtes ménages et entretiens ciblés afin d’identifier les 18-35 ans cumulant déscolarisation, précarité et faible accès aux crédits traditionnels. Cette cartographie fine, réalisée de novembre à décembre, répond à l’impératif de fiabilité exigé par les partenaires techniques et financiers, au premier rang desquels figure la Banque mondiale.
Jeunesse et vulnérabilité : des défis structurels
Les économistes rappellent que près de soixante pour cent de la population congolaise est âgée de moins de trente-cinq ans. Dans ce contexte, l’absence d’opportunités formelles nourrit un risque d’exclusion, mais également d’instabilité. C’est précisément cette zone de friction que le gouvernement, par le biais du ministère des Affaires sociales, entend amortir. « Nous parlons ici de capitaux humains qui, faute d’accompagnement, pourraient se transformer en passifs sociaux », confie un haut fonctionnaire du département, sous couvert d’anonymat. L’enjeu dépasse l’emploi, il touche à la cohésion nationale.
Le PSIPJ, catalyseur d’opportunités productives
Doté d’une enveloppe pluriannuelle de plusieurs milliards de francs CFA, le PSIPJ articule des formations courtes, le transfert direct de compétences et des allocations de démarrage calibrées pour des micro-projets. Qu’il s’agisse d’élevage périurbain, de transformation alimentaire ou de services numériques, l’accent est mis sur les filières offrant des gains rapides et un effet d’entraînement sur les économies de voisinage. « Tous les secteurs d’activité sont éligibles, à condition que le porteur de projet démontre sa capacité d’apprendre et de se formaliser », précise Grâce Moukala, assistant en sauvegarde environnementale et sociale pour Pointe-Noire et le Kouilou.
La mécanique de la validation communautaire
Réunis le 9 juillet, les comités communautaires de ciblage ont procédé à la dernière vérification des listes. L’exercice, prescrit par le manuel opérationnel, consiste à croiser les données administratives avec la connaissance empirique des chefs de quartier et des leaders d’association. « Nous avons pu corriger certaines omissions dans l’identité réelle des jeunes », relate Loko Michael Vivien, chef du quartier 316 Paka 2, convaincu que cette transparence réduit le risque de contestation. La séance, d’apparence technique, revêt néanmoins une dimension citoyenne : elle consacre la co-responsabilité des communautés dans la gestion des fonds publics.
Un financement multilatéral suivi de près par les partenaires
Le concours de la Banque mondiale témoigne d’une confiance renouvelée dans la gouvernance sociale du Congo-Brazzaville. Le dispositif de sauvegarde environnementale et sociale, arrimé aux standards internationaux, encadre l’ensemble des activités, de la sélection des sites de formation à la passation des marchés. À Brazzaville comme à Washington, les analystes considèrent ce projet pilote comme un indicateur avancé de la capacité nationale à absorber l’aide et à produire des externalités positives sur la sécurité et l’entrepreneuriat.
Perspectives d’autonomisation et implications géopolitiques
La phase de formation, prévue sur un mois, devrait débuter dans les prochaines semaines. À l’issue, chaque bénéficiaire recevra une allocation ciblée pour lancer son activité. Au-delà de l’impact micro-économique, le gouvernement mise sur un dividende politique : l’émergence d’une génération d’auto-entrepreneurs susceptibles d’étoffer le tissu productif et de stabiliser les périphéries urbaines. L’initiative s’inscrit dans la dynamique plus large des agendas 2030 et 2063, où l’inclusion des jeunes constitue un levier de paix et de prospérité partagée. Si la réussite est au rendez-vous, Pointe-Noire pourrait devenir une vitrine régionale d’innovation sociale, confortant ainsi la diplomatie économique du pays.