La portée internationale d’une commémoration locale
Dans l’enceinte feutrée de la paroisse Notre-Dame de l’Assomption, le 29 mai, Pointe-Noire a résonné des mêmes accents que Rome, Paris ou Manille. En décrétant une Journée internationale de l’enseignement catholique, l’Office International de l’Enseignement Catholique entend fédérer plus de cent vingt pays autour d’un constat : l’éducation confessionnelle constitue un vecteur d’inclusion sociale et de mobilité académique sans équivalent. Dans la deuxième ville du Congo-Brazzaville, cette célébration s’est traduite par une mobilisation notable du corps enseignant, signe qu’au-delà du rite, l’école catholique se pense comme une actrice de la diplomatie éducative. Les défis du continent – transition démographique, diversification économique, cohésion nationale – confèrent à l’événement une tonalité stratégique qui dépasse la seule sphère ecclésiale.
Une conférence salésienne centrée sur l’éducation non formelle
Invité en qualité d’orateur, le Père Ghislain Nkiéré, salésien et directeur du Centre professionnel Don Bosco, a déroulé un exposé dense consacré à l’éducation non formelle. Ce concept, initialement forgé par les organisations internationales de développement, désigne l’ensemble des apprentissages structurés en dehors de la salle de classe traditionnelle. Dans le contexte congolais, où les parcours scolaires restent parfois heurtés, l’argument résonne avec acuité. L’orateur a rappelé que les ateliers de formation professionnelle, les programmes d’alphabétisation pour adultes ou encore les clubs scientifiques parascolaires remplissent une fonction complémentaire essentielle : ils réintroduisent les jeunes dans une trajectoire de compétences et réparent, en filigrane, le tissu social. En mobilisant les principes pédagogiques de Don Bosco – raison, religion, bienveillance –, la congrégation salésienne propose ainsi un laboratoire d’innovation pédagogique qui conjugue discipline et créativité.
Vers un pacte éducatif mondial porteur d’espérance
L’écho du discours du pape François appelant, en 2019, à sceller un « pacte éducatif mondial » n’a pas laissé l’assemblée indifférente. Pour l’évêque de Rome, la planète traverse une crise de la relation, et l’école doit redevenir ce « village » où les générations bâtissent ensemble la maison commune. À Pointe-Noire, cette intuition trouve un terrain propice : la ville océane, carrefour pétrolier et culturel, connaît des dynamiques migratoires internes qui bousculent les repères communautaires. Engager les enseignants à promouvoir une pédagogie du dialogue, de l’écoute patiente et de la réconciliation s’inscrit dès lors dans une stratégie de résilience sociale. Les participants ont noté que cette orientation converge avec les priorités du ministère congolais de l’Enseignement préscolaire, primaire, secondaire et de l’Alphabétisation, soucieux de renforcer les partenariats public-privé afin de juguler la déperdition scolaire.
Résonances spirituelles et civiques pour le corps enseignant
En célébrant la messe d’action de grâce qui clôturait la journée, Mgr Abel Liluala a puisé dans l’épisode évangélique de l’Ascension pour rappeler la dimension vocationnelle du métier d’enseignant. « L’école est un champ de mission », a-t-il lancé, invitant les éducateurs à conjuguer rigueur intellectuelle et charité fraternelle. L’injonction n’est pas que théologique ; elle s’inscrit dans le débat contemporain sur la place des valeurs dans l’espace public congolais. En mettant en exergue l’alliance entre foi et compétence, le prélat souligne que le professionnalisme des maîtres constitue le premier rempart contre les inégalités d’apprentissage. À l’heure où les statistiques nationales affichent encore des disparités entre zones urbaines et rurales, l’appel revêt un caractère autant civique que pastoral.
Un chantier éducatif partagé entre acteurs ecclésiaux et publics
Au sortir de la conférence, Elvice Fortuné Fouti, formateur à l’Institut UCAC-ICAM, a insisté sur la nécessité de « valoriser ce que les écoles catholiques apportent déjà ». Derrière cette formule, se profile la question sensible de la reconnaissance officielle des diplômes issus des centres techniques confessionnels et de leur articulation avec les référentiels nationaux. Les autorités éducatives, conscientes de l’importance du secteur privé, encouragent depuis plusieurs années la création de passerelles et l’harmonisation des programmes. Ce dialogue constructif, loin de remettre en cause la spécificité spirituelle des établissements, tend au contraire à sécuriser les trajectoires professionnelles des jeunes Congolais. Dans un pays où le capital humain est identifié comme un vecteur clé de la diversification économique, la convergence entre plan pastoral et stratégie nationale de développement acquiert une dimension hautement diplomatique.
Perspectives pour une diplomatie de l’éducation congolaise
En définitive, la Journée internationale de l’enseignement catholique à Pointe-Noire illustre la capacité des communautés éducatives à se hisser au niveau des grands débats mondiaux. En faisant dialoguer expertise salésienne, magistère pontifical et priorités gouvernementales, les acteurs réunis le 29 mai ont balisé un espace où la foi, la citoyenneté et la compétence professionnelle s’épaulent mutuellement. Cette synergie, encore perfectible, confirme que l’école peut devenir un instrument de diplomatie intérieure, voire de soft power régional. À la croisée de la responsabilité sociale des Églises et des orientations publiques, l’éducation congolaise se voit offrir une occasion rare : façonner une génération capable d’habiter la mondialisation sans renoncer à ses racines, ni à sa capacité d’espérance.