Kinshasa mise sur le crédit productif pour les PME
Au cœur du quartier des affaires de Kinshasa, la signature d’un protocole d’entente entre l’Agence pour la promotion des classes moyennes congolaises et Access Bank RDC a marqué, le 28 juin, un tournant attendu dans l’écosystème entrepreneurial national. Le montant, 25 millions de dollars, n’a rien d’anodin : il vient répondre à une carence chronique de financement que les observateurs locaux considèrent comme le principal goulot d’étranglement des petites et moyennes entreprises.
« Il s’agit d’un levier inédit qui épouse les priorités du gouvernement en matière de diversification économique », a déclaré, sous couvert d’anonymat, un haut fonctionnaire du ministère des Finances présent à la cérémonie. L’enveloppe sera déployée sous forme de lignes de crédit dédiées, dont la mise à disposition devrait s’échelonner sur trois ans, afin d’épouser le cycle d’investissement des bénéficiaires.
Un dispositif public-privé calibré pour l’inclusion financière
L’APROCM, bras institutionnel chargé de l’ascension de la classe moyenne, apporte son réseau d’incubateurs, tandis qu’Access Bank RDC mobilise son expertise bancaire et ses plateformes numériques. Selon Aimé Shadary, directeur général de l’Agence, « le partenariat crée un corridor de confiance entre secteur public et secteur financier, un maillon qui manquait jusqu’ici ». De son côté, le directeur général d’Access Bank RDC, Roosevelt Ogbonna, voit dans l’accord « un signal que la banque universelle africaine peut concilier rentabilité et impératif de développement ».
Concrètement, chaque dossier de PME passera un double filtre : éligibilité économique contrôlée par l’APROCM, puis analyse de risque classique réalisée par la banque. Le mécanisme entend réduire la prime de risque longtemps associée à ce segment de marché, souvent jugé informel ou sous-capitalisé par les investisseurs.
Des lignes de financement adossées à un accompagnement sur mesure
Le partenariat ne se limite pas à la délivrance de crédit. Des programmes de renforcement des capacités – comptabilité, marketing numérique, conformité fiscale – seront pilotés en parallèle, financés partiellement par le fonds d’appui. Cette approche holistique répond à une logique d’« argent intelligent », concept popularisé par les institutions de Bretton Woods qui préconisent un prêt assorti d’un accompagnement technique.
Par ailleurs, l’accord prévoit des modalités d’intérêt préférentielles. Les taux, selon un document interne consulté par la rédaction, oscilleront en dessous du plafond moyen du marché, grâce à une garantie partielle prise en charge par un fonds de sécurisation logé auprès de la Banque centrale du Congo. Cette garantie, plafonnée à 50 % du montant prêté, vise à limiter la pression sur les collatéraux et à encourager la bancarisation des entreprises actuellement exclues du système formel.
Externalités macroéconomiques et effet d’entraînement régional
À l’échelle macroéconomique, l’initiative intervient dans un contexte de croissance robuste du PIB, estimée à 6,8 % en 2023 par la Banque africaine de développement, mais encore trop dépendante des rentes minières. En orientant les ressources vers le secteur productif national, Kinshasa cherche à élargir sa base fiscale et à stimuler la création d’emplois formels, enjeu majeur pour une population dont plus de 60 % a moins de 25 ans.
Le partenariat, bien que circonscrit à la RDC, pourrait faire école dans la sous-région. À Brazzaville, certaines voix diplomatiques voient déjà dans ce modèle un prototype réplicable, compte tenu des objectifs similaires que le gouvernement congolais affiche en matière d’industrialisation légère et de développement des chaînes de valeur locales. À l’heure où la Zone de libre-échange continentale africaine se matérialise, la coordination de tels dispositifs transfrontaliers pourrait renforcer la résilience économique des deux rives du fleuve Congo, dans un esprit de complémentarité plutôt que de concurrence.