Une embellie mesurée, portée par les secteurs primaires et tertiaires
L’Institut national de la statistique de Yaoundé a révélé, le 1ᵉʳ juillet, une croissance réelle de 1,6 % du produit intérieur brut entre les troisièmes et quatrièmes trimestres de 2024. Rapportée à l’ensemble de l’année, l’économie camerounaise gagne 3,5 %, un palier conforme aux projections de la Banque africaine de développement. Dans le détail, les performances agricoles—cacao à l’export et filières vivrières pour le marché intérieur—ont contrebalancé la mollesse récente du secteur pétrolier. Les services, pilotés par les télécommunications et une demande soutenue en transport urbain, confirment leur rôle moteur dans la formation du PIB.
La dynamique de la demande intérieure face aux vents extérieurs
La vigueur relative de la consommation privée demeure l’un des marqueurs essentiels de 2024. L’inflation, revenue sous les 6 %, a préservé un pouvoir d’achat modeste mais indispensable pour la distribution de masse. Sur le plan externe, la baisse graduelle des cours mondiaux du pétrole a réduit les recettes d’exportation mais, parallèlement, a contenu le coût des importations d’énergie. Ces facteurs conjugués expliquent un déficit courant qui s’élargit moins vite qu’attendu, facilitant la stabilité du franc CFA dans la zone CEMAC.
Investissements publics : arbitrages budgétaires et grands chantiers
Le gouvernement camerounais a misé sur la relance par l’infrastructure, réaffectant 18 % des dépenses totales vers les routes, l’hydroélectricité et les TIC. Le pont sur le Ntem, inauguré en mars, fluidifie désormais les échanges avec le nord du Gabon. Dans le même temps, les travaux du port en eau profonde de Kribi poursuivent leur montée en puissance, renforçant sa vocation de hub régional. Si les retombées ne s’observent pas encore pleinement sur la valeur ajoutée industrielle, elles nourrissent l’optimisme prudent de la Banque mondiale quant à un effet multiplicateur dès 2025.
Convergence CEMAC : regards croisés de Brazzaville et Malabo
À Brazzaville, le ministère de l’Économie a salué « une performance qui conforte la trajectoire collective de la sous-région ». Pour la République du Congo, dont le budget 2025 prévoit un renforcement des corridors ferroviaires vers le Cameroun, la croissance voisine participe à sécuriser la demande de transit et stimule les plans de diversification hors pétrole. Les experts de la BEAC rappellent toutefois que la soutenabilité de la dette publique demeure un paramètre crucial ; dans son dernier rapport, l’institution souligne la nécessité pour chaque capitale de « calibrer l’endettement sur des projets à rendement vérifiable ». La coopération douanière, réactivée lors du sommet de Malabo en avril, devrait fluidifier davantage la circulation des biens et accroître le marché potentiel des industriels installés sur les rives du fleuve Congo.
Défis structurels : informalité, climat et gouvernance
Malgré le frémissement mesuré du T4, les fondamentaux à long terme exigent vigilance. L’économie informelle absorbe encore près de 50 % de la main-d’œuvre camerounaise, limitant l’assiette fiscale et la portée des politiques sociales. Par ailleurs, les épisodes pluviométriques extrêmes, de plus en plus fréquents dans le bassin du Logone, perturbent les récoltes et justifient les programmes d’adaptation climatiques financés par la Banque islamique de développement. Côté gouvernance, la signature d’un nouveau compact de performance avec le FMI, prévue pour novembre, devrait conditionner la poursuite des réformes sur la transparence budgétaire et la digitalisation de la chaîne de la dépense publique.
Perspectives 2025 : entre prudence monétaire et pari industriel
Les prévisions convergent vers une croissance comprise entre 4 % et 4,3 % l’an prochain, à supposer le maintien d’une politique monétaire prudente de la BEAC et le décollage attendu de la zone industrielle de Kribi. Le lancement, début 2025, d’une unité de transformation des fèves de cacao par un consortium sino-camerounais pourrait accroître la valeur ajoutée locale. Pour les partenaires de la CEMAC, au premier rang desquels la République du Congo, cette évolution offre la perspective d’un marché régional mieux intégré, capable d’absorber les chocs exogènes et de peser, à moyen terme, dans les négociations commerciales avec l’Union européenne et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est. Dans ce contexte, la consolidation des réformes structurelles apparaît non seulement comme un impératif national, mais aussi comme un facteur de stabilité et de prospérité partagée en Afrique centrale.