Un premier bilan semestriel sous le signe de la lucidité
Avec la discrétion propre aux réunions de cabinet, le ministre des Hydrocarbures, Bruno Jean Richard Itoua, a convié le 18 juillet à Brazzaville l’ensemble de son état-major afin de passer au crible le premier semestre 2025. L’exercice, qualifié de « managérial », s’est voulu avant tout analytique : mesurer le chemin parcouru, faire ressortir autant les points d’efficacité que les angles morts et, surtout, réajuster les leviers d’action. Dans un pays où l’or noir demeure la première source de devises, ce geste de redevabilité interne atteste d’une culture de gestion orientée résultat, conforme aux attentes des partenaires internationaux.
Quinze priorités, un fil directeur : la performance
Au terme de la session, quinze axes ont été couchés sur la table. Ils forment la matrice d’une gouvernance pétrolière que le ministre souhaite plus agile, plus prévisible et plus transparente. Le discours, relayé par plusieurs hauts-fonctionnaires présents, repose sur une logique d’alignement entre stratégie nationale de développement et attractivité pour les majors comme pour les sociétés indépendantes. La notion de « performance » est revenue avec insistance, traduisant la volonté de consolider les succès tout en corrigeant les lenteurs administratives identifiées.
Relancer l’amont : climat d’investissement et objectif 2031
Le gouvernement affiche une ambition claire : atteindre 500 000 barils équivalent pétrole par jour d’ici 2031, un seuil considéré comme décisif pour stabiliser les recettes publiques. Pour y parvenir, la priorité numéro un porte sur la création d’un environnement contractuel compétitif. D’après un conseiller joint au téléphone, il s’agit d’ajuster les termes fiscaux, de réduire les délais d’instruction des permis et de garantir la sécurité juridique des investisseurs. Cette approche, déjà esquissée lors du Forum économique de Pointe-Noire en mai dernier, se veut compatible avec les standards internationaux de transparence, conformément à l’engagement du Congo dans l’Initiative pour la transparence des industries extractives.
Approvisionnement national : l’option stratégique de l’import massif
Si l’amont mobilise les regards des marchés, l’aval concentre l’attention des consommateurs. Les pénuries récurrentes de carburant, observées depuis plus d’un an à Brazzaville comme à Pointe-Noire, ont rappelé la vulnérabilité logistique du pays. Face à cette tension, le ministère a opté pour une opération ponctuelle d’importation massive. Baptisée « coup de poing », l’initiative vise à constituer une réserve de trois mois afin de soutenir la mobilité urbaine, les activités portuaires et les générateurs électriques des administrations stratégiques. Le coût de l’opération est tenu confidentiel, mais un responsable technique assure qu’il restera « absorbable » dans le cadre budgétaire, compte tenu de la remontée actuelle des cours du Brent.
Vers une raffinerie bis et un oléoduc intégrateur
Au-delà de la solution d’urgence, la vision reste tournée vers la souveraineté énergétique. La relance des travaux de la seconde raffinerie, annoncée à plusieurs reprises ces dernières années, se précise : les études d’ingénierie de base seraient achevées à 70 %. Ce site, complémentaire à la Congolaise de raffinage existante, porterait la capacité nationale au-delà de 4 millions de tonnes par an. En parallèle, le projet d’oléoduc reliant Pointe-Noire à Brazzaville progresse dans sa phase de préfaisabilité. Ce corridor de près de 550 kilomètres réduira les coûts de transport terrestres, fluidifiera l’alimentation de la capitale et contribuera, selon ses promoteurs, à abaisser l’empreinte carbone globale du secteur.
Entre impératifs budgétaires et exigences climatiques
L’équation congolais est, comme ailleurs, marquée par la tension entre la nécessité de maximiser les revenus fossiles et l’injonction à la transition énergétique. Interrogé en marge du cabinet, un diplomate d’Afrique centrale note que Brazzaville « cherche une trajectoire de compromis » : attirer des capitaux, sécuriser la rente, mais aussi réserver une place croissante au gaz naturel et aux standards ESG des bailleurs. Le discours officiel souligne d’ailleurs la contribution du pays à l’Initiative africaine pour les marchés carbone et la préparation d’un plan de réduction du torchage. Dans ce contexte, la palette de quinze priorités apparaît moins comme un catalogue technocratique que comme une tentative de cohérence stratégique.
Cap sur 2025-2030 : la diplomatie de l’énergie en toile de fond
Pour les observateurs, la démarche du ministre Itoua s’inscrit dans une diplomatie économique assumée. En multipliant les signaux de rigueur managériale et d’ouverture contractuelle, le Congo-Brazzaville entend consolider sa réputation de pôle énergétique stable en Afrique centrale. Les mois à venir serviront de test grandeur nature : validation réglementaire des textes d’incitation, déploiement logistique de l’importation massive et lancement opérationnel de la nouvelle raffinerie. Autant d’échéances qui pèseront sur la crédibilité du pays sur les scènes régionales et multilatérales.