Un verdict exemplaire salué par les écologistes
Le 26 juin 2025, le Tribunal de grande instance d’Impfondo, chef-lieu de la Likouala, a prononcé un jugement qui fera date dans l’histoire récente de la justice environnementale congolaise. Reconnaissant Jodel Mouanda, Arel Ebouzi et Parfait Mbekele coupables de détention, circulation et tentative de commercialisation d’une peau de panthère ainsi que d’une quantité notable d’écailles et de quatre griffes de pangolin géant, le tribunal les a condamnés respectivement à trois ans et deux ans de prison ferme. Ces peines s’accompagnent d’une amende solidaire d’un million de francs CFA et de trois millions de francs CFA de dommages et intérêts au profit de l’État.
Dans la salle d’audience, la décision a été accueillie par un silence solennel, rompue seulement par les discrets applaudissements de représentants d’ONG locales, visiblement soulagés de voir la loi appliquée avec rigueur. « Cette affaire prouve que la tolérance zéro voulue par le gouvernement n’est pas un slogan », a confié un responsable du Projet d’appui à l’application de la loi sur la faune sauvage (Palf), partenaire technique du ministère de l’Économie forestière.
La Likouala, nouvelle frontière du braconnage régional
Situé à la lisière du bassin du Congo, le département de la Likouala est à la fois un sanctuaire de biodiversité et un couloir de circulation transfrontalière. La proximité avec la République démocratique du Congo et la République centrafricaine, combinée à la densité forestière, offre un terrain propice aux réseaux criminels spécialisés dans le trafic d’espèces protégées. Le pangolin géant, dont les écailles se négocient à prix d’or sur certains marchés asiatiques, et la panthère, convoitée pour sa fourrure, figurent parmi les espèces les plus recherchées.
D’après les données du Programme des Nations unies pour l’environnement, près de 50 % des saisies nationales de produits dérivés d’espèces intégralement protégées proviennent de la Likouala. Les écogardes rapportent également une recrudescence d’indices de chasse dans les aires protégées, confirmant la pression croissante sur la faune locale. Dans cet environnement, l’opération conjointe de la gendarmerie et des services forestiers qui a abouti à l’arrestation des trois prévenus apparaît comme un signal fort destiné aux groupes criminels opérant dans la région.
Coopération sécuritaire et diplomatie environnementale
L’efficacité de l’opération tient pour beaucoup à la synergie établie entre les forces de gendarmerie d’Impfondo et d’Epéna-centre, les inspecteurs de la Direction départementale de l’économie forestière et l’appui technique du Palf. Cette coopération illustre le virage stratégique amorcé par Brazzaville, qui fait de la protection de la faune un enjeu de sécurité intérieure mais également de politique étrangère. Au dernier Sommet des trois bassins forestiers, le président Denis Sassou Nguesso a rappelé que « la sauvegarde de notre patrimoine naturel fonde la crédibilité internationale de notre pays et constitue un investissement pour la paix ».
La mise en œuvre de patrouilles mixtes, le partage de renseignements transfrontaliers et la formation d’officiers judiciaires spécialisés dans les délits fauniques traduisent cette volonté de peser davantage dans les négociations climatiques et de biodiversité. Dans le même temps, l’usage accru de drones de surveillance, financé en partie par des partenariats publics-privés, montre l’insertion grandissante des nouvelles technologies dans la diplomatie environnementale congolaise.
Un arsenal juridique renforcé mais perfectible
Au Congo-Brazzaville, la loi 37-2008 sur la faune et les aires protégées classe la panthère et le pangolin géant parmi les espèces intégralement protégées. L’article 113 prévoit des peines allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et dix millions de francs CFA d’amende pour tout contrevenant. Bien que le verdict d’Impfondo se situe dans la partie haute du barème applicable, certains experts estiment que l’amende reste modeste au regard des profits réalisés par les réseaux de contrebande.
Le greffier principal du tribunal a toutefois rappelé que la jurisprudence demeure évolutive : « En 2015, de tels faits débouchaient rarement sur plus d’un an de détention. L’augmentation des sanctions montre une volonté constante d’adapter l’arsenal légal aux réalités criminelles. » À Brazzaville, le ministère de la Justice envisage déjà de modifier le Code pénal pour introduire des peines complémentaires, notamment la confiscation des moyens de transport et des avoirs financiers liés au trafic d’espèces.
Vers une économie locale moins dépendante du trafic
Au-delà de la répression, les autorités nationales et les collectivités locales s’attachent à réduire les incitations économiques qui poussent certaines communautés à se tourner vers le braconnage. La commune d’Epéna-centre expérimente, avec l’appui de l’Agence française de développement, un programme d’apiculture visant à offrir des revenus alternatifs aux chasseurs repentis. Des ateliers de transformation de produits forestiers non ligneux, tels que la noix d’Andok ou le miel d’Okoumé, ont vu le jour, créant une trentaine d’emplois directs selon la préfecture.
Cette stratégie d’économie verte s’inscrit dans la Vision 2030 du Congo pour le développement durable, laquelle ambitionne de faire du pays un « puits de carbone et un laboratoire de la finance climatique ». Les bailleurs multilatéraux observent avec intérêt les premiers résultats, considérant qu’un tissu économique inclusif et des infrastructures routières plus contrôlées constituent la meilleure barrière contre la délinquance faunique, dont le coût écologique pourrait, à long terme, dépasser les bénéfices immédiats du trafic.