Un rendez-vous symbolique pour la diplomatie parlementaire congolaise
Le courrier officiel signé par Hilarion Etong, président de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie, a été reçu comme un signal de reconnaissance. En conviant une délégation du Sénat et de l’Assemblée nationale du Congo-Brazzaville à la cinquantième Session de l’APF, Paris confirme la place du pays dans l’architecture francophone. L’invitation, qui cite « l’engagement en faveur des valeurs de la Francophonie », intervient dans un contexte où Brazzaville multiplie les initiatives de diplomatie parlementaire pour accompagner l’action conduite par le président Denis Sassou Nguesso sur la scène internationale.
Depuis plusieurs années, la Chambre haute congolaise a installé un groupe d’amitié France-Congo, tandis que l’Assemblée nationale siège activement au sein des commissions de l’APF. Cette présence assidue a permis d’aborder, dans un cadre multilatéral, des sujets sensibles comme la gestion des ressources forestières du Bassin du Congo ou les réformes visant à moderniser l’administration publique. La session de juillet 2025 se présente donc comme une étape supplémentaire pour consolider l’image d’un Parlement congolais en phase avec les standards de la Francophonie parlementaire.
La Francophonie, laboratoire multilatéral en temps de turbulences
Le thème retenu pour le débat politique général, « La Francophonie, une ancre dans un monde en crise », résonne avec les défis sécuritaires, économiques et sanitaires qui ont rythmé le quinquennat écoulé. Sous l’effet des tensions géopolitiques et de la recomposition des alliances, l’espace francophone cherche aujourd’hui à démontrer sa pertinence comme forum de médiation et de normes partagées. Pour le Congo-Brazzaville, qui promeut depuis la COP 27 une diplomatie de paix fondée sur la préservation des forêts tropicales, la session parisienne sera l’occasion de plaider en faveur d’une articulation plus étroite entre croissance, stabilité et protection de la biodiversité.
Les diplomates congolais rappellent que l’APF a souvent servi de passerelle vers les enceintes onusiennes, notamment lorsqu’il s’est agi de faire entendre la voix des pays forestiers sur le marché du carbone. La multiplication des crises—du Sahel à la mer Rouge—rend d’autant plus stratégique cette plateforme pour maintenir un dialogue Nord-Sud équilibré. Dans les travées du Palais-Bourbon, les délégués brazzavillois entendent souligner l’expérience de leur pays dans la médiation régionale, notamment en Centrafrique.
Brazzaville et Paris, un dialogue parlementaire en phase de consolidation
Le choix de la capitale française comme hôte de cette 50ᵉ édition n’est pas anodin. Il intervient après la visite à Brazzaville, en 2023, de Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale française, qui avait salué « la qualité de la coopération entre nos deux Parlements ». Depuis, plusieurs missions d’expertise ont été dépêchées afin d’appuyer la numérisation des services administratifs de l’Assemblée nationale congolaise. Du côté français, les élus s’intéressent particulièrement aux réformes fiscales entreprises par Brazzaville pour améliorer la transparence budgétaire—un sujet sur lequel la représentation congolaise souhaite faire valoir ses avancées.
Le déplacement à Paris constituera également une vitrine pour les jeunes députés congolais issus des scrutins de 2022. L’hémicycle français offre un espace de contacts bilatéraux où pourront se tisser des partenariats ciblés, notamment dans le domaine de l’économie circulaire et de la formation professionnelle. Selon un conseiller du président de l’Assemblée nationale du Congo, « notre ambition est de traduire ce tête-à-tête institutionnel en projets concrets au bénéfice des populations ». Les échanges sur les bancs de l’APF devraient ainsi consolider un dialogue politique déjà dense entre les deux capitales.
La voix congolaise sur les droits humains et le développement durable
Dans le bureau politique de l’APF, la délégation congolaise siège depuis 2019 à la commission des Affaires parlementaires, où elle a soutenu l’adoption de résolutions consacrées aux droits des femmes et à la protection des enfants dans les zones post-conflit. À Paris, les parlementaires entendent réaffirmer cet engagement, tout en défendant un plaidoyer sur le financement des Objectifs de développement durable. Le sénateur Florent Tsiba insiste : « Nos forêts représentent un puits de carbone essentiel, il est légitime que les pays qui en assurent la conservation bénéficient de mécanismes de compensation adaptés ».
Cette position bénéficie d’un accueil favorable parmi les délégations du Sud. Les experts estiment que Brazzaville pourrait rallier un consensus francophone sur l’établissement d’un fonds vert parlementaire, instrument destiné à faciliter les investissements dans l’agroforesterie et les infrastructures sobres en carbone. En défendant cette initiative, le Congo se place en vecteur de propositions, loin d’une posture purement réactive souvent prêtée aux législatures africaines.
Langue française et diversité culturelle, des relais de soft power assumés
La promotion du français demeure un pilier de la politique extérieure congolaise, comme en témoigne l’ouverture récente d’un Centre de lecture et d’animation culturelle à Ouesso, financé en partie par l’Organisation internationale de la Francophonie. À Paris, les députés de Brazzaville plaideront pour le renforcement des programmes d’échanges universitaires afin de contrer l’érosion linguistique observée dans plusieurs régions d’Afrique centrale. Selon les chiffres de l’Institut français, près de 64 % des étudiants congolais poursuivant des études supérieures choisissent encore la France—un capital socio-culturel que les deux pays entendent pérenniser.
Au-delà des enjeux académiques, la Francophonie est aussi un marché de 321 millions de locuteurs. Les entrepreneurs congolais présents dans la délégation parlementaire comptent utiliser les marges de la session pour rencontrer le Medef International et exposer les opportunités offertes par la Zone économique spéciale de Pointe-Noire. Dans cette perspective, la maîtrise partagée du français agit comme accélérateur de confiance, pierre angulaire d’un soft power que Brazzaville souhaite désormais articuler à sa stratégie de diversification économique.
Des retombées attendues pour la scène intérieure congolaise
Alors que le Parlement congolais s’apprête à examiner le projet de loi de finances 2026, la présence de ses membres à Paris pourrait nourrir le débat interne sur l’optimisation de la dépense publique. Les discussions sur la bonne gouvernance, récurrentes au sein de l’APF, offrent un réservoir d’idées pour poursuivre la rationalisation budgétaire engagée depuis les accords avec le Fonds monétaire international. Plusieurs députés envisagent déjà d’intégrer, dans le prochain cycle de réformes, des recommandations inspirées des standards de l’OCDE relatifs à l’évaluation des politiques publiques.
Au-delà des questions budgétaires, la session de juillet 2025 devrait donner un élan au processus de modernisation du règlement intérieur des deux Chambres. Les comités permanents—en particulier ceux chargés du numérique et de l’économie—prévoient de solliciter l’expertise du Parlement français pour finaliser l’implémentation de la signature électronique. Autant d’outils susceptibles de rapprocher l’institution des citoyens et de renforcer la légitimité d’un pouvoir législatif qui, à l’échelle régionale, s’affirme progressivement comme un acteur clé de la gouvernance.