La naissance d’un outil panafricain attendu
Depuis Abuja, ville hôte des trente-deuxièmes assemblées annuelles d’Afreximbank, la présentation officielle de PAPSSCARD a résonné comme un marqueur géo-économique majeur. Pour la première fois, une carte de paiement pensée par des Africains, traitée intégralement sur des infrastructures africaines, s’affranchit des réseaux dominants d’outre-Atlantique. « PAPSSCARD confère au continent la capacité de déplacer son argent rapidement, en toute sécurité et à moindre coût », s’est félicité le professeur Benedict Oramah. Derrière cette déclaration s’esquisse la fin d’une dépendance coûteuse : selon les données d’Afreximbank, jusqu’à 5 milliards de dollars de commissions annuelles quittaient le continent pour rétribuer les schémas internationaux.
Une architecture monétaire en faveur de la Zone de libre-échange
Le nouvel instrument s’imbrique de manière organique dans la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine. En réduisant les frais transfrontaliers et en éliminant les doubles conversions monétaires, PAPSSCARD fluidifie les chaînes d’approvisionnement régionales et renforce la compétitivité des entreprises locales. Il s’agit d’un levier stratégique tant pour les économies enclavées que pour les hubs maritimes qui cherchent à capitaliser sur l’essor du commerce intra-africain, encore limité à environ 17 % des échanges globaux du continent.
Brazzaville mise sur la diplomatie économique
Le Congo-Brazzaville s’active en coulisses afin d’intégrer rapidement ses établissements bancaires au réseau PAPSSCARD. Sous l’impulsion du président Denis Sassou Nguesso, dont la diplomatie économique vise à diversifier les recettes hors pétrole, le Trésor public collabore avec la Banque des États de l’Afrique centrale pour adapter les cadres prudentiels. L’objectif est double : faciliter la facturation en francs CFA ou en monnaies locales dans le commerce sous-régional et accroître la visibilité des fintech congolaises sur un marché continental de plus d’un milliard de consommateurs. Des responsables du ministère des Finances soulignent qu’une première phase pilote avec la Société Générale Congo est « techniquement achevée » et que les premiers tests de règlement intra-communautaires devraient débuter avant la prochaine Conférence économique africaine.
Inclusion financière et souveraineté des données
Au-delà des considérations macroéconomiques, PAPSSCARD entend toucher les segments encore marginalisés. En Afrique centrale, près de 55 % des adultes demeurent exclus des réseaux bancaires classiques. La carte, adossée à un protocole interopérable, se couple à des portefeuilles mobiles qui ont déjà prouvé leur efficacité dans le secteur informel. La conservation en local des métadonnées de transaction constitue par ailleurs un élément de souveraineté numérique ; elle répond aux craintes croissantes relatives à l’extraterritorialité juridique des opérateurs internationaux.
Sécurité, conformité et coopération des banques centrales
Pour rassurer les régulateurs, le système s’aligne sur les standards ISO 20022 et sur les exigences du Groupe d’action financière. La Banque des États de l’Afrique centrale, la Banque centrale du Nigeria et la Banque de réserve d’Afrique du Sud ont, chacune, mis à disposition des équipes dédiées aux tests de résistance. « Nous avons désormais l’opportunité de bâtir un rempart continental contre la fraude », confie une haute fonctionnaire de la Commission de l’Union africaine, soulignant la mutualisation des bases de données de lutte contre le blanchiment.
Cap 2030 : défis et promesses d’une intégration renforcée
À l’horizon 2030, les projections d’Afreximbank tablent sur un volume annuel de transactions dépassant 500 milliards de dollars via PAPSSCARD. Le défi consistera à harmoniser la fiscalité numérique et à garantir l’interopérabilité avec les monnaies numériques de banque centrale que plusieurs pays, dont le Congo-Brazzaville, explorent. La réussite passera aussi par la sensibilisation des consommateurs ; or, les autorités congolaises envisagent des campagnes d’éducation financière en langue nationale pour favoriser l’adoption. En filigrane, c’est la crédibilité même de l’intégration africaine qui se joue : celle d’un continent capable de maîtriser ses flux financiers et de transformer son potentiel démographique en puissance économique pérenne.