Une décision judiciaire emblématique
Le tribunal de grande instance d’Impfondo, chef-lieu de la Likouala, a prononcé des peines qui confirment l’inflexion répressive adoptée ces dernières années par les autorités congolaises en matière de criminalité faunique. Trois ressortissants nationaux – Jodel Mouandola, Arel Ebouzi et Parfait Mbekele – ont été condamnés respectivement à trois ans et deux ans de détention, assortis d’une amende solidaire d’un million de francs CFA et de trois millions de dommages et intérêts. Saisi le 27 mai, le dossier reposait sur un flagrant délit de détention et de tentative de commercialisation d’une peau de panthère, d’un lot substantiel d’écailles ainsi que de griffes de pangolin géant, une espèce particulièrement menacée.
En audience publique, les prévenus ont reconnu les faits, facilitant un jugement rendu en formation collégiale après plusieurs jours de débats. Pour les observateurs, la célérité de la procédure traduit la volonté des magistrats de donner un caractère exemplaire à la sanction pénale et de dissuader la reprise d’activités similaires dans une région frontalière, souvent considérée comme un couloir d’exportation illicite vers les marchés internationaux.
Le cadre juridique congolais, entre rigueur et diplomatie
En s’appuyant sur la loi 37-2008 relative à la faune et aux aires protégées, le parquet a rappelé que l’importation, l’exportation, la détention ou le transit d’espèces intégralement protégées demeurent strictement prohibés, sauf dérogation scientifique. Ce texte, déjà salué par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), a gagné en effectivité depuis la création, en 2019, d’une cellule de coordination interministérielle chargée de son application.
Maître Madeleine Kanga, avocate spécialisée en droit environnemental, souligne que « la Likouala, avec ses vastes forêts marécageuses, représente un test grandeur nature pour l’arsenal juridique du pays ». L’implication conjointe de la gendarmerie, de la direction départementale de l’économie forestière et du Projet d’appui à l’application de la loi sur la faune sauvage conforte l’idée d’une gouvernance environnementale alignée sur les priorités du Plan national de développement.
Une signalétique positive pour la coopération internationale
Au-delà du symbolisme interne, la décision d’Impfondo nourrit la crédibilité diplomatique de Brazzaville. Dans un contexte où les partenaires techniques et financiers conditionnent de plus en plus leurs appuis à des résultats en matière de lutte anti-braconnage, la fermeté judiciaire apparaît comme un indicateur de bonne gouvernance. « Le signal envoyé est clair : le Congo-Brazzaville honore ses engagements et se positionne comme un acteur fiable de la conservation régionale », commente un représentant d’une mission diplomatique européenne.
L’affaire intervient alors que le pays s’apprête à accueillir un forum sous-régional sur la gestion transfrontalière des aires protégées. La condamnation d’Impfondo devrait ainsi consolider les négociations autour de nouvelles lignes de financement, notamment celles dédiées à l’intégration des communautés locales dans les chaînes de valeur légales de la faune.
Défis opérationnels sur le terrain forestier
La complexité logistique du territoire, marqué par un réseau hydrographique dense et des pistes forestières intermittentes, complique la surveillance. Les forces de l’ordre déployées à Impfondo et à Epéna travaillent souvent dans des conditions d’isolement, et le coût d’opérations héliportées demeure élevé. Néanmoins, l’utilisation d’outils de géolocalisation et la montée en puissance de brigades cynophiles, soutenues par des partenaires multilatéraux, ont permis d’accroître les saisies au cours des 18 derniers mois.
Les analystes rappellent également l’enjeu socio-économique. Dans certaines localités, la commercialisation de produits de panthère ou de pangolin peut représenter un revenu complémentaire non négligeable. Les autorités ont donc lancé des programmes de sensibilisation et de reconversion, axés sur l’écotourisme embryonnaire et la chaîne du cacao certifié, afin de proposer des alternatives viables aux populations riveraines.
Vers une diplomatie verte assumée
En avalisant des peines d’emprisonnement fermes, la justice congolaise confirme que la conservation n’est plus un simple slogan, mais une composante de la souveraineté nationale et de la diplomatie économique. À travers la mise en œuvre stricte de la loi, Brazzaville vise à attirer des financements climatiques, tout en consolidant sa réputation de gardienne du Bassin du Congo, second poumon de la planète.
En perspective de la prochaine Conférence des Parties sur le climat, le ministère de l’Économie forestière prépare un rapport d’étape qui mettra en avant les dossiers emblématiques, dont celui d’Impfondo. À terme, la structuration d’un marché du carbone crédible dépendra autant de l’intégrité écologique des forêts que de la confiance instaurée par un appareil judiciaire vigilant. L’affaire des trois trafiquants aura ainsi valeur de jurisprudence, rappelant que le droit, lorsqu’il est appliqué avec constance, constitue l’outil le plus efficace pour défendre un patrimoine faunique partagé au-delà des frontières.