Une mobilisation citoyenne à forte portée symbolique
Six heures sonnaient à peine que le marché Total, au cœur de l’arrondissement de Bacongo, se transformait déjà en vaste chantier d’hygiène collective. Balais et râteaux se mêlaient aux salutations matinales, tandis que les ministres Jean-Rosaire Ibara et Juste Désiré Mondelé, entourés d’administrateurs-maires, donnaient le ton. Sous l’œil attentif du Catholic Relief Services, cette opération, inscrite dans la traditionnelle journée d’assainissement du premier samedi du mois, a rassemblé des centaines de commerçants et riverains. L’image, relayée par de nombreux médias locaux, illustre la volonté des autorités de faire du citoyen l’acteur premier de la santé publique, conformément à la feuille de route nationale.
En filigrane, c’est la diplomatie sanitaire de Brazzaville qui s’exprime : l’État, les collectivités et les partenaires techniques s’affichent côte à côte, signalant à la fois l’importance du paludisme dans l’agenda gouvernemental et la cohérence d’une approche multisectorielle.
Le partenariat État-ONG, moteur de la santé publique
Appuyé par le Fonds mondial, le Catholic Relief Services agit en cheville ouvrière d’un dispositif où la complémentarité institutionnelle prime sur la simple délégation. « Le duo gagnant, c’est le bon usage de la moustiquaire imprégnée et le nettoyage de l’environnement », résume Prudence Baganda, porte-voix du projet. L’assertion, quasi programmatique, rappelle que la riposte congolaise articule prévention chimique et lutte antivectorielle mécanique, conformément aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé.
Les partenaires internationaux saluent régulièrement cette synergie, considérant le Congo-Brazzaville comme un exemple d’appropriation nationale des financements externes. En priorisant l’assainissement urbain, le ministère de la Santé consolide aussi sa crédibilité auprès des bailleurs, qui voient dans cette stratégie la condition sine qua non d’une réduction durable de l’incidence parasitaire.
L’innovation digitale au service des moustiquaires MILDA
Déployée dans le district sanitaire d’Igné-Ngabé-Mayama, la campagne pilote de distribution numérique marque une évolution notable. Chaque moustiquaire, identifiée par un code unique, est renseignée dans un logiciel permettant de suivre la chaîne logistique jusqu’au domicile du bénéficiaire. Cette traçabilité, soutenue par des tablettes connectées, sécurise les stocks, réduit les pertes et permet d’analyser en temps réel la couverture effective.
Dans un contexte où la maîtrise des données fait désormais partie des indicateurs de gouvernance sanitaire, le choix de l’outil digital conforte la réputation d’agilité technologique du pays. Les premiers retours, attendus fin juillet, devraient guider la montée en charge de la campagne nationale, prévue en trois phases progressives.
Assainissement urbain : un impératif géopolitique local
Au-delà du risque pathogène, les eaux stagnantes et les déchets non collectés nourrissent un sentiment d’abandon susceptible d’alimenter la défiance civique. En y répondant par des actions visibles, les autorités consolident un contrat social fondé sur la proximité. L’assainissement devient alors un instrument de stabilité, voire de soft power intérieur, en projetant l’image d’une gouvernance attentive aux besoins immédiats des habitants.
La participation des commerçantes, traditionnellement piliers de l’économie informelle, confère à l’opération une dimension inclusive. « Nous sommes à l’origine de l’insalubrité et aussi les premières victimes », confiait l’une d’elles, illustrant cette conscientisation collective que recherchent les décideurs.
Perspectives régionales pour l’éradication du paludisme
Selon les projections du Programme national de lutte contre le paludisme, le Congo-Brazzaville vise la réduction de 80 % de la morbidité d’ici 2030, en phase avec les objectifs continentaux fixés par l’Union africaine. La circulation transfrontalière des populations impose toutefois une coordination étroite avec les pays voisins, raison pour laquelle Brazzaville multiplie les consultations bilatérales, notamment avec Kinshasa et Libreville.
En inscrivant le paludisme à l’agenda diplomatique, la République marque sa volonté de contribuer à la sécurité sanitaire collective de la sous-région. L’hygiène des marchés, l’outil numérique et la pédagogie autour des MILDA constituent ainsi les trois piliers d’une stratégie dont l’efficacité repose sur la continuité des financements et la responsabilité citoyenne.
Tandis que la saison des pluies s’annonce, les équipes du ministère réaffirment leur détermination à « assécher le vivier vectoriel » et à consolider la confiance entre administration et population. En fil rouge, l’objectif demeure inchangé : faire reculer durablement le paludisme, maladie qui grève la productivité nationale et pèse sur les budgets familiaux.