Un souffle d’espérance pour le Grand Lac
La signature, à Washington, de l’accord de désescalade entre Kinshasa et Kigali a résonné comme une bouffée d’oxygène dans une région éprouvée par trois décennies de conflits à tiroirs. En saluant un « pas significatif vers la stabilité », le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a rappelé l’urgence d’enrayer la spirale de violences entretenue par la nébuleuse de groupes armés qui sillonnent les provinces du Kivu. Les capitales voisines, à commencer par Brazzaville, y ont immédiatement perçu la prémisse d’un rééquilibrage sécuritaire susceptible de redessiner la cartographie des flux commerciaux et des corridors humanitaires du centre du continent.
Le rôle discret mais constant de Brazzaville
Observers familiers des arcanes régionales rappellent que la diplomatie congolaise, sous l’impulsion du président Denis Sassou Nguesso, n’a jamais cessé de plaider pour le maintien de canaux de dialogue entre les capitales de la région. Sans s’exposer aux feux médiatiques, Brazzaville a multiplié, ces deux dernières années, les consultations techniques avec les chancelleries de Kigali comme de Kinshasa, offrant un espace confidentiel où pouvaient s’esquisser des compromis de sécurité. De telles initiatives s’inscrivent dans la continuité du Forum sur la paix et la sécurité en Afrique centrale que la République du Congo a relancé en 2021, attirant diplomates et experts autour d’un diagnostic partagé des menaces transfrontalières.
Les attentes des partenaires internationaux
Washington, Doha et l’Union africaine ont été mentionnés par l’ONU pour leur rôle de facilitation, mais plusieurs sources diplomatiques indiquent que les États d’Afrique centrale, à commencer par le Congo-Brazzaville, ont servi de relais d’information et de garantie morale pendant les rounds préparatoires. Sur les bancs du Conseil de sécurité, la représentante congolaise a souligné que « la consolidation de la paix dans l’Est de la RDC est indissociable d’un engagement collectif en faveur du développement intégré ». En écho, l’Union européenne et la Banque africaine de développement envisagent déjà un paquet de financements visant à réhabiliter les routes et les ponts reliant Bukavu au port de Pointe-Noire, illustrant la convergence d’intérêts entre stabilité politique et stimulation des échanges.
Des défis sécuritaires à la coopération transfrontalière
L’accord de Washington, tout salué qu’il soit, ne saurait occulter la résilience de groupes tels que le M23 ou les ADF. Brazzaville, qui préside le Comité de pilotage de la stratégie de sécurité maritime du golfe de Guinée, défend l’idée d’une force de réaction rapide sous l’égide de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, aptée à intervenir le long des axes fluviaux reliant l’Ituri au Pool. Les analystes estiment qu’un tel dispositif, articulé à la MONUSCO, permettrait de couper les canaux de financement illicite du commerce de l’or qui alimentent la contrebande vers les ports de la côte atlantique. « Une sécurité partagée passe par la mutualisation de nos capacités et par le renforcement des mécanismes de confiance », a récemment déclaré le ministre congolais des Affaires étrangères Jean-Claude Gakosso, rappelant le succès de l’accord sur la pêche fluviale signé avec la RDC en 2022.
Perspectives régionales pour une paix durable
La conclusion de l’accord RDC-Rwanda offre à Brazzaville l’opportunité de valoriser son capital de neutralité bienveillante. Plusieurs chantiers se dessinent : la relance du projet de chemin de fer Brazzaville-Kinshasa-Kabalo, la mise en réseau des agences de lutte contre le blanchiment et la création d’un Observatoire régional sur les ressources naturelles visant à dissiper les soupçons de prédation. En inscrivant ces objectifs dans la feuille de route du Forum panafricain sur la réconciliation, que le Congo abritera en 2026, les autorités congolaises entendent affirmer une diplomatie de solutions, là où la région a trop longtemps collectionné les sommations sans lendemain. Le pari est ambitieux, mais l’équation est claire : soutenir la dynamique de paix à l’Est, c’est consolider la stabilité de l’ensemble du Bassin du Congo, poumon écologique et levier de croissance pour tout le continent.