Le tournoi « Ouenzé lisanga », rendez-vous fédérateur
Dans l’imaginaire collectif brazzavillois, le ballon rond a toujours été l’objet d’une appartenance, mais il fallait un cadre structuré pour donner corps à cet enthousiasme. Lancée il y a quinze ans par le député Juste Désiré Mondelé, l’initiative « Ouenzé lisanga », littéralement « Ouenzé ensemble », s’est progressivement imposée comme un rite social durant les vacances scolaires. Seize équipes, trois terrains sablonneux et une foule qui se masse chaque soir autour des grillages : la scénographie dit mieux que de longs discours l’attachement d’un arrondissement à sa jeunesse.
La compétition répond à une double intention. D’abord offrir un espace d’expression aux talents qui, souvent, se contentent du bitume ou de la plage du fleuve. Ensuite faire du football un vecteur de rapprochement communautaire, dans un contexte où l’unité nationale demeure un chantier permanent. Les organisateurs résument volontiers le credo en trois mots : sport, civisme, espérance.
Des demi-finales au goût de thriller
Dimanche dernier, le stade improvisé du quartier Yoro a vibré au rythme des cris mêlés aux vuvuzelas. Dès le premier acte, AS Elongwa Posso a plié l’affaire face à Mounganga grâce à l’inspiration de son capitaine, un contrôle orienté suivi d’une frappe sèche qui a couché les filets dès la 17ᵉ minute. « Nous avions étudié leur jeu, la lucidité a payé », a expliqué le coach Aristide Milandou au terme d’une rencontre pourtant restée incertaine jusqu’aux arrêts de jeu.
Le second choc, lui, a frôlé la dramaturgie antique. Frangama et FC Maroc se sont neutralisés pendant 90 minutes, avant que la séance de tirs au but ne délivre son verdict, 4 à 3 pour les jeunes de Poto-Poto. Sur la touche, l’ancien international Chaleur Mouyabi confiait sentir monter les mêmes frissons qu’à l’époque de ses sélections : « Ces matches rappellent que notre vivier est intact. Le plus dur est de l’accompagner jusqu’au haut niveau. »
La formation des jeunes, priorité nationale
La ferveur spontanée observée à Ouenzé résonne avec la stratégie nationale de développement du sport présentée par le ministère de la Jeunesse et des Sports. L’accent est mis sur les centres de préformation, l’encadrement scolaire des athlètes et la réhabilitation des aires de jeu de proximité. Les autorités locales voient dans ces tournois un laboratoire grandeur nature : non seulement ils détectent les prodiges, mais ils inculquent discipline et fair-play, valeurs essentielles à la citoyenneté.
Les partenaires privés ne s’y trompent pas. Une société de téléphonie a fourni les chasubles, tandis que plusieurs PME alimentaires assurent la logistique. « Investir dans le sport, c’est consolider la paix sociale », souligne un responsable d’entreprise, rappelant que près de 60 % de la population congolaise a moins de 25 ans.
Football et micro-économie de quartier
Autour du terrain, brochettes de poisson fumé, stands de jus de bissap et vendeurs d’étuis pour téléphones composent un marché éphémère qui génère des revenus bien réels. Chaque rencontre attire plus de 2 000 spectateurs, selon la mairie de Ouenzé, et les petits commerçants parlent déjà d’un « effet finale » à venir. L’économiste Florent Nkassa y voit « une chaîne de valeur locale que l’on sous-estime : transport urbain, restauration, artisanat textile bénéficient d’un afflux soudain de liquidités ».
Cette dynamique conforte la vision des organisateurs : faire du ballon un levier de développement inclusif. Dans un récent entretien, Juste Désiré Mondelé a déclaré vouloir « essaimé le modèle dans les arrondissements voisins, afin de franchir un cap régional ».
Une finale porteuse d’espoirs durables
Le 12 août, Elongwa Posso et FC Maroc entreront sur la pelouse sablée pour écrire un chapitre de plus à la saga Ouenzé. Au-delà du trophée, c’est la promesse d’une reconnaissance qui se joue pour ces adolescents dont plusieurs sont suivis par des recruteurs des académies du pays. La Fédération congolaise de football a confirmé la présence d’observateurs, preuve que le tournoi est désormais perçu comme un maillon de la filière nationale.
Qu’il pleuve ou que le soleil cogne, les gradins improvisés seront comble. La finale offrira l’occasion de rappeler, une fois encore, que l’énergie de la jeunesse constitue le meilleur atout du Congo. Si l’issue du match reste inconnue, une certitude s’impose déjà : le football, ici, dépasse le sport. Il est un langage partagé qui unit, éduque et dynamise. Et pour les habitants de Ouenzé, c’est une fierté que le coup de sifflet final ne saurait étouffer.