Une dynamique public-privé au service du capital humain
À Pointe-Noire, le ruban tricolore posé sur les murs du Centre d’éducation, de Formation et d’Apprentissage aux métiers de Maintenance Industrielle n’avait rien de purement protocolaire. Il scellait la première concrétisation d’un partenariat articulé entre TotalEnergies EP Congo, la société de maintenance Dietsmann et les autorités locales. Dans une République du Congo qui s’est engagée depuis le Plan national de développement 2022-2026 à faire de la jeunesse le moteur de la diversification économique, l’initiative traduit l’idée selon laquelle le secteur privé peut devenir un relais efficace de la politique publique de l’emploi. Le programme « On job training » s’inscrit ainsi dans la continuité des objectifs fixés par le ministère de la Formation professionnelle, visant à porter le taux d’insertion des jeunes diplômés techniques au-delà de 60 % à l’horizon 2025.
Anatomie d’un programme pilote conçu sur mesure
Lancé en septembre 2024, le dispositif repose sur une mécanique en deux temps. Au sein du CEFA-MMI, les apprenants ont d’abord déroulé un tronc commun de 360 heures consacré aux fondamentaux de la sécurité industrielle, du dessin technique et de la culture pétrolière. La seconde phase, conduite sur le site de Dietsmann à Djeno, a mis l’accent sur la pratique intensive : lignes de froid, tableaux de puissance, usinage de précision. Les formateurs relatent près de 800 heures d’atelier, soit un ratio pratique-théorie proche de 70 %, nettement supérieur au standard national. Financée intégralement par TotalEnergies, cette architecture pédagogique table sur l’immersion pour accélérer la courbe d’apprentissage et abattre la barrière classique entre formation et employabilité.
Djeno, métronomie locale d’un enjeu national
Avec 41 % de la population âgée de moins de 25 ans (Institut national de la statistique, 2023) et un chômage des jeunes flirtant avec les 20 % dans le département du Kouilou, la question de la transition école-emploi s’avère cruciale. Djeno, village riverain des installations offshore, est souvent présenté comme l’illustration des attentes sociales qui pèsent sur l’industrie extractive. En ciblant précisément cette communauté, les partenaires entendent réduire la fracture ressentie entre l’activité pétrolière à haute intensité capitalistique et la réalité socio-économique des habitants. La démarche répond en filigrane au principe de « partage de la valeur » énoncé lors du dernier Forum Invest in Congo-Brazzaville de 2023.
Responsabilité sociétale et contenu local : la méthode TotalEnergies
Depuis la promulgation de la loi sur le contenu local de 2016, les opérateurs hydrocarbures établis au Congo-Brazzaville se voient encouragés à transférer compétences et emplois aux citoyens. TotalEnergies, premier producteur du pays, revendique avoir investi près de 7 millions de dollars dans la formation ces cinq dernières années. « Nous voulons passer d’un modèle de simple compensation à une logique de co-développement », souligne Lionnel Petyth, chef de division support aux opérations. En orchestrant la sélection de 12 candidats sur 70 et en assurant leur prise en charge complète, le groupe met en scène une politique RSE qui va au-delà de la philanthropie pour se muer en stratégie de sécurisation des talents locaux indispensables à la continuité des opérations.
Quinze pour cent de femmes : un signal d’inclusion industrielle
La présence de quatre jeunes femmes, soit 33 % de la cohorte, occupe une place centrale dans la communication du programme. « La formation était difficile au début, surtout en tant que femme dans la mécanique, mais j’ai fini avec mention très bien », confie Ngolo Lenvo Sephora, lauréate en mécanique générale. Dans un secteur où moins de 10 % des techniciens sont de sexe féminin (Banque africaine de développement, 2022), cette proportion marque une inflexion. Elle résonne avec la feuille de route nationale pour l’égalité des chances, adoptée en mars dernier, qui promeut l’accès des femmes aux filières STEM. Au-delà du symbole, l’enjeu consiste à pérenniser cette ouverture pour éviter l’effet vitrine souvent observé dans les premiers cycles pilotes.
Des voix de terrain entre ambition et réalisme
Lors de la cérémonie de remise des diplômes, l’administrateur-maire de Ngoyo a salué « une initiative qui concrétise les attentes exprimées lors des consultations citoyennes ». Pour Hugues Antoine Manzambi, directeur du CEFA-MMI, « le geste financier compte, mais c’est l’accompagnement pédagogique de proximité qui crée la différence ». Jean-Baptiste Baray, directeur général de Dietsmann, rappelle pour sa part que l’entreprise absorbera trois des douze lauréats dès ce trimestre, un indicateur tangible de l’adéquation formés-recrutés. Les diplômés, munis de certifications attestées par le Bureau congolais de normalisation, pourront également postuler sur les chantiers d’entretien des terminaux terrestres de Moho Nord ou de Nkossa, dont les carnets de commandes demeurent dynamiques.
Vers un modèle reproductible de gouvernance de la compétence
L’expérience, bien que modeste en volume, éclaire un levier possible de réponse à la problématique récurrente du chômage juvénile. Les autorités, qui travaillent à l’élaboration d’un Observatoire national des métiers industriels, envisagent déjà l’extension du concept à d’autres bassins d’emploi tels qu’Oyo et Ouesso. La phase d’évaluation prévue six mois après l’insertion des lauréats sera déterminante pour mesurer la durabilité de l’impact. Si les indicateurs de rétention dans l’emploi se confirment, « On job training » pourrait devenir un standard de référence dans les clauses de contenu local, conciliant exigences de compétitivité des entreprises et objectifs de développement humain fixés par le gouvernement. Dans un contexte international marqué par la transition énergétique, l’investissement dans la compétence reste, pour le Congo-Brazzaville, l’option la plus sûre pour asseoir sa souveraineté économique sur le long terme.