Une mobilisation nationale inédite
La vaste campagne « Octobre rose » et « Novembre bleu » a été lancée à Brazzaville le 2 octobre 2025 par le ministre de la Santé, Jean-Rosaire Ibara. Aux côtés du gouvernement, médecins, associations, organisations internationales et partenaires privés se sont engagés autour du mot d’ordre : « Tous unis contre le cancer ».
Dans une atmosphère mêlant gravité et espoir, la cérémonie officielle s’est tenue dans l’esplanade du ministère. La présence du représentant résident de l’OMS, Dr Vincent Dossou Sodjinou, a souligné l’importance internationale de l’initiative congolaise, saluée pour son approche intégrée de prévention et de soins.
Octobre rose : prévenir le cancer du sein
Octobre est dédié à la sensibilisation au cancer du sein et du col de l’utérus, deux pathologies qui demeurent les premières causes de mortalité féminine liée au cancer dans le pays. Les messages clés portent sur l’auto-examen mensuel, la mammographie régulière dès 40 ans et la vaccination anti-HPV.
Les centres de santé primaires de Brazzaville, Pointe-Noire et des chefs-lieux départementaux proposent durant le mois des examens gratuits ou à tarif réduit. « Venir tôt fait la différence », rappelle Dr Monique Bantsimba, oncologue au CHU. Selon elle, un diagnostic précoce augmente les chances de guérison de 80 %.
Novembre bleu : focus sur la prostate
En novembre, la campagne mettra l’accent sur le cancer de la prostate, souvent diagnostiqué tardivement faute de dépistage systématique. Des stands mobiles effectueront le dosage de l’antigène PSA et des consultations d’urologie gratuites dans les grands marchés et certaines entreprises publiques.
« Les hommes hésitent à consulter, parfois par peur, parfois par méconnaissance », note le Pr Alain Ngatsé, chef du service urologie à l’hôpital Adolph Sicé. Il insiste sur l’importance d’une visite annuelle dès 50 ans, ou 45 ans s’il existe des antécédents familiaux.
Les chiffres clés au Congo-Brazzaville
Le Congo enregistre environ 5 000 nouveaux cas de cancer du sein chaque année, soit 34 % des cancers féminins. La tranche 40-55 ans est la plus touchée, mais les oncologues rapportent des diagnostics dès 17 ans, phénomène jugé préoccupant.
Pour le cancer de la prostate, l’Institut national de santé publique évoque près de 2 700 cas annuels. Le délai moyen entre les premiers symptômes et la première consultation dépasse encore quatorze mois, illustrant la nécessité de campagnes de proximité comme celles lancées en octobre et novembre.
Une stratégie nationale en sept axes
Le ministère prépare un plan quinquennal structuré autour de sept piliers : sensibilisation communautaire, prévention et dépistage précoce, prise en charge globale, formation du personnel, recherche et innovation, solidarité envers les patients et décentralisation des actions au niveau départemental.
« Le cancer n’est pas une fatalité », affirme le ministre Ibara. Il met en avant la gratuité prochaine de certains examens dans les hôpitaux publics et l’acquisition de nouveaux équipements de radiothérapie, financés avec le soutien de partenaires techniques et financiers.
Témoignages d’acteurs de terrain
Aline Kiangui, survivante d’un cancer du sein diagnostiqué en 2020, se réjouit de voir « les barrières de la peur tomber » grâce aux campagnes d’information. Elle intervient comme bénévole dans les quartiers périphériques pour expliquer l’importance du dépistage.
Le Dr Jacques Mavoungou, médecin généraliste à Dolisie, note déjà une hausse de 25 % des consultations depuis le début d’Octobre rose. « Les patients viennent, posent des questions et repartent avec des rendez-vous clairs. L’impulsion nationale change la donne au niveau local », souligne-t-il.
L’engagement de l’OMS aux côtés du Congo
Le Dr Vincent Dossou Sodjinou rappelle que le cancer du sein représente plus de 2,3 millions de nouveaux cas et 685 000 décès dans le monde en 2022. L’OMS apporte un appui technique pour la formation des équipes, l’élaboration de protocoles standardisés et la collecte de données fiables.
L’agence onusienne finance également des ateliers régionaux sur la radiologie de dépistage et la chirurgie conservatrice. « Le partenariat avec le Congo illustre la volonté de réduire les inégalités de prise en charge en Afrique centrale », explique le représentant.
Perspectives et enjeux pour 2025
D’ici fin 2025, le ministère ambitionne de doubler le taux de dépistage féminin et de réduire de 10 % la mortalité liée aux cancers ciblés. Un système de suivi numérique des cas est en cours de déploiement afin de mieux orienter les ressources.
Les autorités espèrent aussi encourager le secteur privé à investir dans les plateaux techniques. Déjà, plusieurs cliniques de Pointe-Noire se disent prêtes à proposer des forfaits abordables de chimiothérapie, complétant l’offre publique. Le succès de cette campagne pourrait devenir un modèle pour d’autres pathologies chroniques dans le pays.