Brazzaville mobilisée pour Octobre rose
Sur l’avenue des Trois-Martyrs, T-shirts roses et baskets aux pieds, une soixantaine de Brazzavillois ont transformé leur dimanche matin en ruban de solidarité. Derrière le sourire des participants, le message est clair : prévenir le cancer du sein passe aussi par le mouvement collectif.
L’événement, coordonné par l’Association multisport Lion d’or de l’ancien député José Cyr Ebina, concluait un week-end entier consacré à Octobre rose. La veille, une conférence-débat avait réuni médecins et publics à l’Hôtel Saphir pour démystifier les cancers du sein et du col.
Avec son slogan « La santé se mérite », le club sportif entend placer l’activité physique au cœur de la prévention. De la salle de conférence jusqu’au bitume, l’accent est resté le même : connaître son corps, se faire dépister, bouger régulièrement.
Des spécialistes brazzavillois à la tribune
Devant un auditoire majoritairement féminin, les docteurs Mayama N’Sika, Bénie Ignoumba et Princesse Okiell-Issongo ont décortiqué causes, symptômes et options thérapeutiques. « Le cancer surprend, mais il n’est pas une fatalité », a martelé le Dr N’Sika, rappelant l’importance d’une vigilance précoce.
Les intervenants ont pointé du doigt des facteurs modifiables : tabac, alcool, sédentarité, alimentation trop riche, surcharge pondérale. Même en présence d’hérédité, « agir sur le style de vie réduit le risque », a insisté la gynécologue Princesse Okiell-Issongo devant les étudiantes attentives.
Un focus particulier a été consacré au cancer du col de l’utérus, provoqué principalement par le papillomavirus humain. Le panel a plaidé pour la vaccination des jeunes filles et pour le recours régulier au frottis, encore trop peu pratiqué au Congo.
Côté sein, les médecins recommandent une autopalpation mensuelle « du creux de l’aisselle jusqu’au mamelon » ainsi qu’une mammographie tous les deux ans dès 40 ans. Un schéma réaliste, selon eux, même dans les structures sanitaires périphériques, à condition d’anticiper.
Autopalpation, le geste qui sauve
Au cours de démonstrations pratiques, un mannequin anatomique a circulé de table en table. Chaque participante a pu s’exercer, guidée par un médecin, à repérer une induration ou une masse suspecte, signe précoce le plus fréquent.
« Le sein ne s’arrête pas au soutien-gorge », a rappelé le Dr Ignoumba, invitant les femmes à réaliser le geste chaque début de mois. Ce repère calendaire simple, associé à un suivi gynécologique, permettrait selon elle d’améliorer les diagnostics précoces.
Les organisateurs ont distribué des dépliants illustrés résumant les étapes du contrôle à domicile. Parce qu’ils tenaient à impliquer les familles, les hommes présents ont également été sensibilisés, rappelant que la prévention du cancer du sein concerne toute la communauté.
Une marche de dix kilomètres sous le soleil
Dimanche, à six heures tapantes, le top a retenti près de la basilique Sainte-Anne. Le peloton s’est élancé par vagues régulières, encadré par des secouristes et des policiers pour sécuriser le parcours traversant Poto-Poto, Moungali et le centre-ville administratif.
Parmi les marcheurs, Désiré Mbemba, malvoyant, avançait guidé par son fils. Leur binôme a suscité l’admiration. « Je veux prouver que le handicap n’empêche pas de se battre pour la santé de nos sœurs », a-t-il confié à l’arrivée.
Sur la ligne finale, installée devant le stade Marchand, les bénévoles offraient de l’eau et des fruits tandis que les médecins prenaient tension artérielle et fréquence cardiaque. Un rappel concret : l’activité physique doit rester progressive et encadrée.
« La solidarité exemplaire observée ce matin prouve que la prévention appartient à tous », a déclaré José Cyr Ebina au micro. L’ancien parlementaire a révélé travailler à l’ouverture d’un centre de mammographie mobile pour rapprocher le dépistage des quartiers périphériques.
Des projets novateurs sur la ligne d’horizon
Le centre, équipé d’un mammographe numérique et d’une mini-unité de biopsie, devrait voir le jour courant 2024 si le financement se confirme. Il viserait prioritairement les marchés populaires, où le coût et la distance freinent encore de nombreuses femmes.
L’Association Lion d’or ne compte pas s’arrêter à Octobre rose. Déjà, ses équipes préparent Novembre bleu à Pointe-Noire, consacré à la santé masculine, puis Décembre rouge à Dolisie, focalisé sur la lutte contre le VIH-sida.
Cette stratégie annuelle, inspirée des campagnes internationales, offre un calendrier lisible aux partenaires et aux donateurs. Elle permet surtout d’entretenir la dynamique communautaire, gage selon Ebina de « changer les comportements de manière durable et collective » dans tout le pays.
Un écho favorable chez les autorités sanitaires
Présente à la conférence, une représentante du ministère de la Santé a salué l’initiative, assurant que les résultats viendront nourrir le Plan national cancer. Selon elle, le maillage associatif complète utilement l’offre publique, notamment dans les quartiers à forte densité.
Le service de communication du CHU de Brazzaville confirme, de son côté, un regain de fréquentation des structures de dépistage pendant Octobre rose. Les rendez-vous pour mammographies seraient passés de 25 à 40 par semaine depuis le lancement de la campagne.
Entre expertise médicale, activité sportive et perspectives concrètes, l’opération Lion d’or illustre la montée en puissance d’une société civile engagée pour la santé au Congo-Brazzaville. La prochaine étape se jouera à Pointe-Noire, avec la même ambition de rassemblement.
