Les dessous d’une nationalisation spectaculaire
Le 19 juin, le gouvernement militaire nigérien a annoncé la nationalisation de la Somaïr, filiale de l’entreprise française Orano, anciennement connue sous le nom d’Areva. Cette décision marque un tournant dans les relations entre le Niger et la France, exacerbé par les récentes tensions politiques. Selon les communiqués officiels, les actions et le patrimoine de la Somaïr sont désormais sous contrôle total de l’État nigérien, et les actionnaires se verront offrir une compensation. Cette initiative s’inscrit dans un contexte où le géant français de l’uranium, majoritairement détenu par l’État français, est accusé de comportements qualifiés d’irresponsables et déloyaux par Niamey.
Contexte géopolitique tendu
La nationalisation de la Somaïr intervient dans un climat de méfiance croissante entre le Niger et la France. Le régime de Niamey, dirigé par une junte militaire arrivée au pouvoir en 2023, cherche à affirmer sa souveraineté énergétique en se détachant progressivement des anciennes puissances coloniales. Cette quête de souveraineté est alimentée par des accusations répétées de la part des autorités nigériennes envers Paris, concernant des tentatives présumées de déstabilisation en formant des terroristes, bien que ces accusations n’aient pas été confirmées par des preuves circonstancielles.
Un conflit ancien renouvelé
La décision de nationaliser la Somaïr s’inscrit dans un conflit plus large entre Orano et le Niger, débuté par la perte de contrôle opératoire par Orano de ses installations nigériennes, y compris le site stratégique d’Imouraren. Ce dernier, l’un des plus grands gisements d’uranium au monde, est passé sous le contrôle de l’État nigérien à la suite du retrait du permis d’exploitation accordé à Orano. En réponse, Orano a engagé diverses procédures d’arbitrage international, cherchant à se défendre contre les actions unilatérales du Niger.
Nouvelles alliances et stratégies régionales
Outre les tensions avec la France, le Niger explore de nouvelles alliances, se rapprochant de pays comme la Russie et l’Iran, diversifiant ainsi ses partenariats économiques et stratégiques. Cette réorientation s’accompagne de mesures militaires, notamment l’expulsion des troupes françaises et américaines engagées dans la lutte antiterroriste sur le territoire nigérien. En outre, cette rupture géopolitique se manifeste par des actions similaires envers d’autres acteurs étrangers, comme l’entreprise pétrolière chinoise CNPCNP, également priée de quitter le pays.
Implications économiques immédiates
Les répercussions économiques de cette nationalisation ne se limitent pas seulement au secteur de l’uranium. Les tensions géopolitiques continuent de modifier les flux commerciaux régionaux, avec environ 1 300 tonnes de concentrés d’uranium bloqués à la Somaïr, représentant une valeur marchande significative. Par ailleurs, le gouvernement nigérien persiste dans sa position de fermeture des frontières, influençant ainsi les routes commerciales et impactant potentiellement la stabilité économique de la région.
Une rupture symbolique
Cette nationalisation de la Somaïr par le Niger symbolise bien plus qu’une simple reconfiguration économique ; elle illustre une volonté affirmée d’autonomie face à des puissances étrangères et un recalibrage des relations internationales. Pour les observateurs, ce développement renforce l’idée que le régime de Niamey cherche à redéfinir sa position et son engagement sur la scène internationale, tout en mettant en lumière les dynamiques complexes de la diplomatie énergétique et minière au Sahel.